Le web, ses paquets de données, et ses outils polluants du cloud au smartphone : avec Ni web ni master, l’auteur de BD David Snug signe une bande dessinée ludique, nous rappelant l’emprise du numérique sur nos vies. À ne pas lire avec des Google glass.
« Un certain Günther Anders, avait prophétisé dès les années 1950 qu’avec le développement des médias de masse le réel deviendrait fantomatique. Nous y sommes… » (extrait de la préface signée Cédric Biagini)
Tout part d’une banale histoire de machine à remonter le temps où l’auteur retrouve en 2022 son lui d’avant, plus jeune ; bloqué dans le futur, il demande alors « C’est quoi un smartphone ? C’est quoi internet ? « . Tout va alors devenir prétexte à explications, une enquête sur nos modes de vies ultra connectées, mais aussi à quelques analyses pertinentes, comme si ce n’était pas plus simple les sonnettes que de devoir téléphoner si on ne connaît pas le digicode. Bon après internet reste une invention magique, on peut mater du porno gratos hein.
Usant de l’écran d’un smartphone (seule interpellation valable à ce jour ?) pour dérouler la partie documentaire avec une bonne louche de cynisme, on y apprendra par exemple qu’un ouvrier chinois gagne 83 € par mois, on reviendra sur le développement du peer-to-peer, et on naviguera dans les tendances actuelles : commander sa bédé sur internet, récupérer son colis Amazon, ou encore se faire apporter son repas par Koffi grâce au merveilleux monde de l’auto-entreprenariat. Tout ceci est bien évidemment totalement révoltant.
« David Snug a aussi compris que dans cette course effrénée pour tenter de capter des bribes d’attention, la plupart des individus allaient se retrouver perdants. Car le temps passé et l’énergie déployée pour essayer de faire entendre sa voi(e)x empêchent d’écouter celle des autres… » (extrait de la préface signée Cédric Biagini)
Gardant l’aspect de satire sociale, déjà bien à l’œuvre sur la question du travail avec entre autres Dépôt de bilan de compétences (2020), et son aspect cynique et mordant, David Snug ne délaisse pas pour autant son humour potache ; avec notamment un peu partout de petits tags dans le décor urbain, des phrases, qui sont sûrement les éléments les plus drôles à débusquer. Le tout laisse malgré tout un goût bien amer dans la bouche, mais qui pousse à repenser nos usages. Une vaste sélection d’ouvrages critiques en fin de BD vous permettra d’aller affûter vos arguments contre le tout numérique. Avec Ni web ni master, David Snug signe un livre précieux, nostalgique et totalement à charge contre nos écrans. À aller chercher dans votre librairie bd avant qu’elle ne soit remplacée par un restau vegan conseillé par Tripadvisor où vous pourrez emmener votre matche Tinder.