Le club des punks contre l’apocalypse zombie, de Karim Berrouka : un roman futuriste (qu’une critique parue dans le journal CQFD n°171, consacré à la fin du monde, nous aura convaincu de dévorer sans tarder).
7 punks occupent un vaste squat autogéré à Ménilmontant lorsque, contre toute attente, une apocalypse zombifie une grosse partie de l’humanité. Ces 7 punks, pour survivre (et faire vivre contre vents et marées leur idéologie iconoclaste), vont donc devoir buter du zombie. Ceux-ci sont lents, mais agressifs et gourmands de cervelle humaine. La musique (que ce soit du punk destroy, des marches militaires ou des chants hippies à la Jefferson Airplane ou à la Grateful Dead) sera leur alliée – et question musique, l’auteur en connaît plus d’un microsillon puisque Karim Berrouka est le chanteur du groupe Ludwig von 88. Celle-ci, donc, personnage à part entière, agit sur les zombies qui y sont particulièrement réceptifs. Nos 7 amis, esthètes anticapitalistes et libertaires jusqu’au bout de leur triple crête rouge, vont avoir l’occasion d’en expérimenter les effets saugrenus à travers une palanquée de situations tendues.
- Tu vas aller au milieu de la place en jouant ton punk de merde. Et tu vas continuer au milieu du pogo général que ça va déclencher. Jusqu’à ce que t’aies plus de doigts ou que l’un de ces débiles décérébrés s’étale sut ta guitare et la bousille. Après je suis gentil, je te laisse te débrouiller. Si tu cours assez vite, t’es sauvé. Sinon… Moi je reste ici, tranquille, à prendre mon pied ! Ça te rappelle rien ?
Deuspi ne réagit pas. Ça lui rappelle surtout qu’il a été très con. Il aurait dû s’assurer que tous les membres de la BAC avaient validé leur ticket pour l’abattoir. Ça lui apprendra à se la jouer philanthrope.
- Je peux pas, c’est une gratte sèche.
- Et alors ?
- On joue pas du punk avec une gratte sèche.
- T’auras qu’à improviser.
Le flic lui colle son magnum contre le front et commence le compte à rebours. Deuspi se demande s’il ne va pas rester là, sans bouger, histoire de le contrarier. Puis il se dit qu’il préfère se faire bouffer par des zombies que se faire refroidir par un poulet. Il ouvre la porte et se dirige à pas feutrés vers le centre de la place. Il ne l’atteindra probablement jamais, mais fuck, il s’en branle. Il se met à gratouiller les cordes. Tout autour de lui, les regards se rallument et les doigts puants de sang séché se tendent. Les bouffeurs de cervelle se sont remis en mode boucherie. (p. 295-296)
Ce roman, hilarant, qui donne le beau rôle aux derniers de cordée qui n’aiment rien tant que se défoncer à la 8.6, à la coke dénichée dans les placards de France-Télévision, à coup d’antidépresseurs trouvés dans des pharmacies pillées et/ou aux acides, ce roman de science-fiction sanguinolente, donc, réjouira les amateurs d’épopées post-modernes. Ici, ces dernières sont délicieusement truffées de combats homériques (croustillants et grand-guignolesques à souhait) et de généreuses charges contre l’ultralibéralisme et ses violences – les pontes du Medef s’y font tailler un costard sur-mesure pour l’hiver. Étonnamment, nous noterons que Le club des punks contre l’apocalypse zombie de Karim Berrouka contient également quelques délicates épiphanies. Car nos 7 punks (Kropotkine, Mange-Poubelle, Eva, Glandouille, Pustule, Deuspi et Fonssdé), encore une fois contre toute attente, sont touchés par la grâce et visités par des anges-gardiens, qui ne manquent pas de chien.
Dans tous les cas, grâce à Karim Berrouka et ses punks à chiens, si une armée de zombies ou le Medef décident de prendre le contrôle de Paris, on aura quelques clés pour ne pas se laisser facilement déborder.
Le club des punks contre l’apocalypse zombie, roman de Karim Berrouka – Éditions ActuSF – 2016 – coll. « J’ai lu » – 416 pages – 8 €.