Une fièvre impossible à négocier, roman de Lola Lafon

Une fièvre impossible à négocier, de Lola Lafon : un roman sur cette jeunesse française qui recherche des alternatives à l’ultralibéralisme.

 

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« Tout d’un coup, quand on pousse du coude quelques certitudes, on a l’impression de déplacer une vieille montagne, bien gentille, mais une montagne quand même. » (page 55)

Landra* est l’héroïne de ce roman encore dans l’air du temps – saturé de gaz lacrymo – même s’il se déroule à la fin du siècle dernier.

« Je n’arrivais pas à comprendre la rapidité avec laquelle les Français faisaient leurs courses. Devant les rayons, je les observais, ils hésitaient à peine une minute, entre trois marques de yaourts, aux fruits.

Comment ils choisissaient ? Qui leur disait quoi faire ? Qui les aidait ?

Je restais collée avec ma sœur devant la télé.On attendait impatiemment les intermèdes publicitaires, ces joyeux petits films qui amenaient le peuple français à garder une bonne cadence ininterrompue d’achats. » (page 108)

Initiée très tôt à la clandestinité du fait d’une enfance en Roumanie auprès de parents activistes internationalistes, Landra, jeune adulte, rejoint à Paris les membres d’une bande de jeunes militants antifascistes, solidaires, créatifs, dans la dèche et habitués des squats autonomes plus ou moins salubres où les descentes de flics sont le quotidien (NB : et ce n’est sûrement pas la nouvelle loi Élan, votée en octobre 2018, qui va améliorer les conditions offertes aux squatteurs de tout poil…). Cette mouvance révolutionnaire, Étoile Noire Express, mène donc de menus combats ou s’associe à de plus amples luttes – contre des vitrines de banques, contre des messes d’intégristes religieux, contre des sommets de gouvernements capitalistes, contre des diplomates réactionnaires sanguinaires, contre l’apathie généralisée, contre les publicités sexistes ou contre les stands promouvant les idées du FN… Bref, happenings militants, tags, manifestations, expérimentations alternatives, réunions, échanges internationaux, actions directes, etc., sont au menu et ce ne sont pas les motivations ni les occasions qui manquent.

« J’aurais voulu dire à tous nos amis “apolitiques” que c’était assez terrible de constater qu’ils trouvaient tous parfaitement légitime qu’il y ait des sacrifiés à la Grande Économie et que, même jeunes, ils n’envisageaient pas qu’une autre organisation du monde, un petit changement d’ordre soit possible. » (page 58)

Cette aventure politique est également pour la jeune et décidée Landra une échappatoire au cauchemar qu’elle vit depuis la nuit où elle a été violée par un salopard « insoupçonnable », bien sous tous rapports.

À la fois empreint de naïveté (face au chaos du monde auquel, hélas souvent sans résultat, on s’efforcera de donner un sens) et d’idéalisme farouche (face au chaos du monde dont on sent, parfois, qu’il est possible de modifier les trajectoires), Une fièvre impossible à négocier permet d’avoir une approche, pas trop caricaturale, mais un peu quand même, de ce à quoi ressemble l’ultra-gauche radicale contemporaine.

* Rien à voir avec l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui sévit actuellement à Bure, dans la Meuse, en tentant d’imposer une poubelle radioactive enfouie en profondeur).

Une fièvre impossible à négocier, roman de Lola Lafon, éditions Actes Sud, 2016, coll. « Livre de poche Babel », 336 pages.

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