Ultime vendredi soir aux couleurs de Mythos. Cette fois rendez-vous au 1988 Live Club. Ambiance feutrée, artistes à proximité, public convivial. En tournée française, Michel Cloup se produit avec son nouveau batteur dans la salle intimiste. Conditions idéales pour livrer une prestation de haute voltige à son image, engagée, simple, incisive suspendue hors du temps.
Pour ouvrir cette soirée sous le signe du duo, l’auteur-compositeur-interprète rennais Hippolyte Luka cultive « l’art de la fuite », titre de son deuxième album présenté ce soir. Accompagné du magistral guitariste Stéphane Kerihuel (à retrouver également au sein de Républik, le nouveau groupe de Franck Darcel, ex Marquis de Sade), le chanteur livre une pop en apesanteur, avec des textes peaufinés à l’air du temps et des mélodies solaires. Il crée des atmosphères douces-amères et tacle les excès de notre époque avec une bonne dose de dérision tels l’abus de chirurgie esthétique avec le titre « Bistouri » ou la course à l’ultra consommation avec « Les fêtes nationales ».
La scène, espace de paroles. Le ton est donné. Le chanteur-musicien toulousain Michel Cloup arrive, le jeune et ultra-talentueux batteur Julien Ruffié, dans son sillage. Un duo voix-guitare-batterie qui s’accorde à la perfection. Après le groupe indé culte Diabologum (dont le 365 jours ouvrables percute toujours le cerveau de ses admirateurs de l’époque), quand Michel Cloup a ouvert les yeux le monde n’avait pas changé. Alors il a continué à jouer et chanter au sein de la formation Expérience puis sous son patronyme. Adepte des formations en binôme depuis 14 ans, il déroule des titres de son dernier album Ici et là-bas (ici d’ailleurs) dans les bacs depuis le début du mois d’avril. Un ton toujours trempé dans une veine rock acérée. L’époque ne prête pas à la légèreté et le chanteur en prend son parti pour le meilleur car sans contestation, il livre un album poids-lourd de onze titres aussi revendicatifs que personnels, le désespoir au creux des reins. De son phrasé parlé, il balise les thèmes des racines, de l’identité, du travail, de la famille entre journal intime et pamphlet à l’image de cette France bipolaire productrice d’effroi et de dislocation des êtres. Faire son trou à une époque qui broie les identités. Avec « Qui je suis », le chanteur interpelle ceux qui n’arrivent plus à dire « nous ». Un engagement aussi intime dans l’évocation de son passé avec « L’étranger » que solidaire avec les classes délaissées avec « Le monde ouvrier s‘est enfui ».
Le style Michel Cloup c’est également une musique puissante aussi prégnante que les paroles. Un album d’ailleurs plus rock que le précédent. Avec sa guitare baritone bleu métallique, l’artiste livre un rock noisy enflammé, distordu, sous tension mais également doux ou posé. Le temps passe trop vite. Au deuxième rappel, le titre « Séparé » prend une tournure politique, message à cette gauche qui fractionne et sépare au lieu de rassembler. Le duo s’embarque dans une interprétation musicale tellurique où la guitare s’envole tandis que la batterie explose. Les deux hommes s’éloignent puis devant ce public qui en demande encore, Michel Cloup revient seul pour achever avec le sublime « Nous vieillirons ensemble » un concert parfait aussi abrasif que bouleversant ou comme dans le titre « Deux minutes vingt-cinq », »la beauté et la magie ont remporté la partie ».