Le Collège de Buchy : fiction-réalité dans le quotidien des enfants victimes de harcèlement scolaire

Le comédien et auteur Jérémie Lefebvre présentait lors de l’édition 2015 du festival Rue des Livres son troisième roman Le collège de Buchy, sur le stand des Editions Lunatique. Une immersion radicale et juste dans le quotidien des enfants victimes de harcèlement scolaire.


Jérémie Lefebvre-Le collège de Buchy-2Jérémie Lefebvre
a bien connu l’austère collège de Buchy en Normandie. Il y revient des années plus tard par le prisme de son personnage, un jeune orphelin élevé par sa grand-mère pieuse et catholique, en passe de subir les pires sévices à son entrée en sixième. Noir et sans concession le « Collège de Buchy » empoigne à pleines mains (ensanglantées) le chemin de croix abrupt et poignant des victimes du harcèlement scolaire. Le narrateur, un gamin qui se décrit lui-même comme « pas bien malin », du genre à tendre l’autre joue selon les préceptes de sa foi chrétienne (qui ne sera pas non plus épargnée au fil des pages) développe peu à peu une colère intérieure teintée d’absurde. Confronté à des humiliations perpétuelles telle cette jolie fillette complimentée un jour d’audace qui répond par un cinglant « Je t’emmerde » avant de le pousser dans les cartables ou cette tentative de chant collégial qui achoppe sur une phrase et se solde par un déchainement de rires et la peur des coups à la sortie de la classe. Le manque de confiance conduit à l’humiliation et à l’échec, voire à la maltraitance comme ici. Le narrateur baisse la tête en permanence. Ne pas croiser le regard des bourreaux et déclencher des brimades supplémentaires. L’enfance ne laisse pas de place aux idéalistes, aux gentils, aux démunis, aux faibles, aux timides ou encore aux physiques « hors-normes ». Alors sous le préau, à la récré, en classe, à grand renfort de mollards, de chewing-gums, de cutters, de rackets, de coups de poing, le/la tortionnaire écrase de sa haine-bouture les espoirs de copinage idéal des rêveurs mal dans leur peau.

Comme eux j’étais un fils de la France qui précipite ses enfants les uns contre les autres et les plonge dans une nuit hurlante d’où ils ne reviennent pas.

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En 120 pages d’un réalisme noir et glaçant avec des pointes d’humour naïf, Jérémie Lefebvre règle ses comptes avec ces coupables à peine pubères, aux gestes martiaux imprimés au fer rouge de la cruauté et de l’avanie dans la mémoire du narrateur. Retour sur un conte de faits réels, une histoire d’ogres tristement ordinaire. Retour à l’écume des jours sordides. Retour au collège, machine à déshumaniser, à hurler des gros mots, à cracher de la morve ou à dévorer ses semblables. Du cannibalisme psychologique. Triturer, malaxer, écrabouiller chaque parcelle de peau flasque, d’honneur bafoué, de confiance avortée, de gentillesse souillée pour ensuite la jeter en pâture aux copains-spectateurs silencieux  et complices quand il ne s’agit pas d’adultes bien souvent laxistes ou indifférents. Proviseur, surveillants ou enseignements se révèlent souvent plus sensibles à l’assurance et à la force morale. Nécessité de manier l’art de la défense et de la parole-argumentaire pour rallier les adultes à sa cause. Compliqué de se battre sans armes, la tête sous l’eau du mal-être. Alors, sur les conseils de sa grand-mère, le narrateur se tourne vers le sport les mercredis après-midi afin de s’endurcir. Échec cuisant. Terrain de jeu idoine pour expérimenter de nouveaux crimes psychologiques. Les jeunes bêtes-hurlantes occupent l’espace et ne lâchent rien. Hier comme aujourd’hui. Le narrateur devenu adulte  en fera les frais dans un dernier constat d’échec amer. Du passé, on ne fait pas table rase, à Buchy comme ailleurs.

Jérémie Lefebvre-Virginie Planchut-3 Jérémie Lefebvre-Virginie Planchut
Les Images de cet article appartiennent à la série « Harcelé(s) » de la photographe Virginie Plauchut. Elles ne sont pas libres de droit. Nous la remercions pour son autorisation d’utilisation. À travers des scènes de la vie ordinaire,Virginie Plauchut effectue un travail sensible, personnel et intimiste autour des tabous, traumas, violences et disparitions des enfants. Nous vous invitons à découvrir l’ensemble de ses images sur son site  : http://www.virginieplauchut.com/ et chez Hans Lucas, studio de production dédié à la photographie : http://hanslucas.com/vplauchut/photo 

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