Charlie’s country : sale passe pour Charlie qui cherche un sens à la vie.
Dans son taudis, octroyé par l’État australien aux autochtones, Charlie (David Gulpilil) est un peu malheureux. Il fume de la ganja quand il peut. Il se sent dépossédé. Il se laisse un peu aller. De sa démarche souple et nonchalante, il parcourt le bled, insultant au passage les forces de l’ordre. Il quémande un logement plus grand. Plus confortable. Sans succès. On suit ses boires et déboires. Charlie a du mal à s’adapter aux changements que subit sa terre natale colonisée. Les postes de police et ses policiers anglophones, les interdictions, les drugstores, ne font pas partie de ses fondamentaux. Charlie a donc des difficultés à s’y faire et le choc des civilisations conduit à des situations cocasses : lorsque lui et son ami Blake Pete (Peter Djigirr) se font confisquer le 4×4 rafistolé non réglementaire avec lequel ils ont été chasser le buffle dans le bush, buffle qu’ils ramènent sur le capot et qui va pourrir dans la cour du commissariat ; ou lorsqu’il « emprunte » un véhicule à ces mêmes forces de l’ordre ; ou bien lorsqu’il se fait confisquer la lance qu’il vient de confectionner après qu’on lui a confisqué son fusil à canon scié non homologué…
On le voit, les thèmes de la propriété privée, de l’expropriation, de l’accaparement, de la spoliation sont sous-jacents. Et c’est d’autant plus marquant que le partage et la solidarité ne s’expriment pas de la même façon chez les uns et les autres. La loi n’est pas pensée de la même façon selon que l’on soit fonctionnaire de police vaguement xénophobe ou bien chasseur-cueilleur en pleine crise d’acculturation. L’assimilation de la culture aborigène par la culture anglo-australienne se fait dans une certaine douleur.
Charlie’s country, sur un rythme lent, plutôt paisible, sans effets ni feux d’artifices, contient ainsi un bel éloge de la nature – « supermarché à ciel ouvert » – et une belle mise en opposition des sociétés humaines aux richesses qui entrent en friction avec force dégâts. Sur ces difficultés à cohabiter lorsque règne la loi du plus fort, le constat est, en substance, parfois désopilant, parfois tragique. Les lois des groupes humains, à l’instar de celles de la nature, sont subtiles, tantôt cruelles, tantôt favorables. Et dans cette alternance, dans ce conflit, dans cette sarabande un peu folle, on conçoit que tout n’est pas perdu, la vie oscillant au gré des événements entre drame et comédie… Un nouvel équilibre est possible.