L’Image Publique : rencontre avec « La Légèreté de l’être » de Véronika Tumova

Lors d’un précédent article, nous vous en avions déjà causé en vous emmenant à la rencontre des photographes de L’Image Publique. Causer de qui ? De quoi ? De Mlle Véronika Tumova, photographe autodidacte originaire de République Tchèque et résidant pour le moment sur Rennes. Elle expose actuellement sa très belle série « La légèreté de l’être » au cinéma Le Foyer à Acigné (et si certains se sentent des crampes aux jambes à cette idée, sachez que vous pouvez aussi apercevoir une sélection de ses photos sur la devanture vitrée du 4bis). À notre tour, nous sommes allés lui écrire le portrait. Rencontre devant une tasse de café…

Le-Foyer■ Comment as-tu découvert L’Image Publique ?

Grâce à une amie. Le thème étant sur le corps, ça m’a parlé puisque j’ai aussi un travail sur ce sujet. J’ai donc proposé ma candidature.

■ Comment s’est passé l’accrochage ? Comment penses-tu, prépares-tu un accrochage ?

Pour L’Image Publique, j’avais proposé une série de quinze photos. J’avais déjà une idée pour l’accrochage. Au final, avec Guillaume (président du club photo d’ »Imag’in Acigné » et ayant aidé à l’accrochage), nous avons décidé d’en mettre douze. Pour moi, c’est important de bien penser l’accrochage. Pour le préparer, je tire mes photos sur des petits formats que je mets ensuite côte à côte, que j’assemble. Ça me permet d’avoir une meilleure vue d’ensemble, de mieux imaginer ce que cela donnera. Je tente différentes combinaisons pour trouver un équilibre entre les formes, les couleurs, la composition. Quand on regarde l’exposition, on ne s’en aperçoit pas forcément mais je crois qu’on peut le ressentir, inconsciemment. Même en regardant chacune de ces photos séparément, on peut sentir qu’elles appartiennent à un tout.

■ Le thème de cette nouvelle édition de L’Image Publique est sur le corps. Tu utilises très souvent le tien dans tes photos. Comment le perçois-tu ?

En fait, je n’y pense pas forcément. Pour moi, ce n’est pas important que les gens le sachent. Mon corps, c’est mon outil de travail. Sur les photos, j’oublie que c’est moi. Ça reste abstrait. Ce que je vois dans la photo, c’est l’idée, le sentiment. C’est ce que je veux partager. Ensuite, pour cette exposition, ce ne sont pas vraiment des nus. Je voulais jouer avec la sensualité et l’élégance des corps mais sans montrer, sans trop dévoiler et garder le mystère. On ne voit pas forcément… on discerne. Et puis, je ne pourrais me mettre toute nue et montrer la photo comme ça. Là, je serai intimidée. Ici, on reste dans quelque chose d’abstrait. Ça permet aux gens de se créer leurs propres visions.

Body Language - 4

■ As-tu déjà travaillé avec des modèles ?

Non, je n’ai pas encore fait cette expérience. Bien sûr, j’ai déjà photographié d’autres personnes mais dans un cadre différent, de manière plus spontanée. Mais ce n’est pas ce que je considère comme mon travail. Lorsqu’il s’agit de mon travail, c’est avec moi ou mon ami. Je peux décider de tout. Je me sens plus libre de faire. Je n’ai pas à forcer quelqu’un de faire ce que j’imagine. C’est plus simple. Après, d’un point de vue technique, c’est peut-être plus compliqué d’être à la fois la modèle et la photographe.

■ Est-ce que ce serait quelque chose qui t’intéresserait tout de même ?

Un jour, peut-être. Mais ce serait plutôt avec des femmes. J’ai l’impression que l’on peut faire beaucoup plus avec elles. Elles ont plus de formes, d’élégance. Quand je regarde des photos avec des modèles féminins, elles me semblent toujours plus élégantes, plus jolies. On dit que les femmes ont quelque chose de plus sensible. Ca se ressent peut-être sur la photo… Mais on ne va pas discriminer les hommes (rires) ! Toujours est-il, pour le moment, c’est bien comme ça.

■ Quelle est ta méthode de travail ?

Tout ce que je fais est spontané. J’ai une idée. Je l’expérimente et vois ce que cela donne. Je continue ou non. Ça m’arrive souvent de faire des photos et en les regardant, ça ne me parle pas. Je les mets de côté pendant un moment. Parfois, je n’y reviens qu’au bout d’un an. Et là, il se passe quelque chose. À partir de là, j’en fais des séries, je les mets ensemble ou je pense à une histoire. Bref, ça dépend… Je ne me sens pas obligée ou pressée de faire à tout prix. Ça ne sert à rien de trop prévoir, de faire des plans. Tu peux très bien avoir une idée sauf que cela donne quelque chose de totalement différent mais qui te parle. Alors tu continues, ça te donne d’autres idées. Et puis, je peux apercevoir quelque chose dans la photo et toi, tu y verras autre chose. C’est totalement aléatoire. Chacun se fait son histoire. C’est ça que j’aime… Juste commencer une histoire et les autres font la leur en s’appropriant mon univers.

Solitude - 28■ Justement, ton univers photographique a quelque chose qui tient de la peinture, est-ce que ça participe à l’imaginaire selon toi ?

On me le dit souvent. Je pense que dans la photo, il n’y a pas que la photo. On peut expérimenter, aller plus loin. J’aime la peinture et comme je ne sais pas peindre, j’essaie peut-être de peindre avec la lumière, en quelque sorte, sur mes photos. Finalement, en jouant avec la lumière, le flou, etc., on peut obtenir des résultats proches de la peinture. Les gens s’interrogent : est-ce qu’il s’agit toujours d’une photo ?

« Ça paraitrait peut-être trop superficiel. »

■ Et comment obtiens-tu tes effets de matière ? Tes textures ?

Solitude - 4

Par exemple, je photographie les gouttes de pluie sur la fenêtre ou la buée sur une vitre. Ou bien,  les rayons du soleil, ce que cela donne comme effet. C’est un outil, une matière de travail. Et je les utilise ensuite sur mes autres photos. Souvent, je travaille sur ma photo principale et au même endroit, dans le même temps, je vais aussi photographier les reflets, les effets de lumières. Ça peut vraiment être n’importe quoi.
Après, tu peux trouver énormément de textures déjà faites sur internet… Je préfère créer les miennes. Ça reste original.

■ Et déjà, au début de ta pratique c’était quelque chose qui t’intéressait ?

J’ai commencé quand j’étais en Corse. Je prenais des photos de la nature et déjà, des photos de reflets, d’ombres, etc. En regardant les photos, j’ai senti que c’est ce qui me parlait le plus.
Mais je n’utilise pas toujours des textures pour mes photos. Elles peuvent être déjà présentes dans la photo elle-même. Je ne travaille qu’avec la lumière naturelle. Je n’utilise pas de flash. C’est très important pour moi, le soleil, la lumière. Ça peut donc être des effets naturels de la lumière.

■ Est-ce que c’est au moment de la prise de vue que tu floutes tes photos ?

Oui, ça aussi c’est très important pour moi. Je ne pense pas que cela donnerait le même effet si je le faisais sous Photoshop. Ça paraîtrait peut-être trop artificiel. Ça, je ne veux pas. Je veux savoir ce que cela donne vraiment…

Réussir à être « authentique » ?

Oui… Les gens me disent qu’ils voient mon écriture… N’importe quel photographe donne quelque chose de personnel et c’est présent sur la photo.

■ Tes photographies nous racontent des histoires, je pense notamment à la série Solitude. Il y a comme une ambiance de conte (cauchemardesque ou de fée) dedans…

Surreal Scenery - 7J’aime bien cet univers, il me rassure. Je pense que les gens peuvent être aussi rassurés par cet univers-là. Ça rappelle l’enfance, ça nous rend nostalgiques. On aime tous ça. Tout ce qui peut nous emmener dans un autre univers, nous faire oublier la réalité pendant un moment en regardant quelque chose et se sentir bien.

■ Il y a des photographes ou des peintres qui te provoquent ce sentiment de bien-être justement ?
Et qui, d’ailleurs, auraient pu t’influencer dans ta pratique ?

Je n’ai pas vraiment d’influences en particulier. On est tous inspirés par ce que l’on regarde, ce que l’on écoute, etc. Parfois, on ne s’en rend pas compte, c’est inconscient.
Après, il y a beaucoup de peintres que j’apprécie. Pour citer les plus connus : Monet, Hopper ou encore Munch. Pour Monet, par exemple, lorsque je regarde ses peintures, j’ai l’impression de sentir le vent, d’entendre les enfants crier, de sentir la chaleur du soleil. Pourtant, c’est un moment figé mais on dirait que c’est vivant… que ça s’anime.
En photographie, ce sont plutôt les photographes classiques comme Edward Steichen, Man Ray, Blumenfeld ou encore les polaroids de Tarkosky, etc. Il y a une ambiance particulière. C’est ça que j’aime dans les photos. Je ne vais pas forcément être attentive aux détails de celles-ci mais plutôt à l’ambiance, oui. C’est ce que je recherche aussi dans mon travail, une ambiance.

■ Je me faisais cette réflexion en regardant tes photos, il n’y a que des personnes, pas d’objet…

La présence d’un personnage est importante. Bien sûr, il est anonyme. Mais il est important, parce que c’est la vie, il fait vivre la photo. On peut s’y reconnaître… s’y attacher.

■ Je repense par exemple à ta série Silhouette. Le personnage est tout petit, il a l’air d’être perdu dans l’immensité de la photo. Simple jeu sur les proportions ?

J’aime beaucoup travailler sur le côté minimaliste. On peut dire beaucoup sans trop montrer. Ce personnage est peut-être petit mais il te parle.
Il y a aussi l’aspect dérisoire de l’Homme. On est tout petit dans ce grand Univers. Un grand vide et un petit personnage avec sa petite histoire… Et finalement, c’est l’histoire qui nous fait vivre.

 

Les bonnes informations pratiques

Et si vos yeux brillent d’envie d’aller y voir de plus près, l’exposition s’achève ce 31 octobre.

Site de Véronika Tumova

Site de L’Image Publique 

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