Un samedi à la Route de la Teuf

En tant que festivalier, mes soirées les plus réussies sont celles où je ne m’attends à rien. Motivation du dernier moment, découverte de pépites sans avoir trop épluché la prog et potes retrouvé·es par hasard, ce samedi à la Route du Rock n’a pas dérogé à la règle. Retour rapide, en marche arrière.

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Dimanche, 7h30. Le soleil s’est levé sur un campement calme, ses premiers rayons dissipant une rosée matinale bien rafraîchissante. Les festivalier·ères les plus matinaux·ales sont sur le départ, croisant les derniers oiseaux de nuit restant, qui, comme moi, vont se coucher. Un dernier regard sur les couleurs chatoyantes du petit matin. Sourire en coin, yeux en fente, je tire le zip de ma tente et m’allonge enfin. Le temps est venu de rembobiner le film de la soirée.

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5h30. Le collectif Comme Ça a finalement lâché les platines, après s’être autorisé une rallonge de 30 minutes. « Merci la Route du Rock, vous étiez beaux, vous étiez chauds ! » Cette team de zinzins rennais, c’est vraiment l’essence de la teuf. Mes jambes se sont pris des pépites disco et des bangers de rave bien acide, hyper efficace pour cramer mes dernières calories. Et à chaque salve de variété française digne de mes fêtes de mariage les plus beauf, on s’adresse un clin d’œil entendu entre voisin·es de danse : « Ha ouais, encore trop facile celle-là ! » Trop facile peut-être, mais irrésistible à tous les coups, surtout quand les Djs te toisent du haut de leur scène aux lights fluo tels des speakers de fête foraine. La ferveur des dernier·ères danseur·ses les a convaincus à prolonger : fallait pas les chauffer ! Ils étaient là depuis 2h30, début officiel de l’after dans les douves du Fort, scène « Indie Way ». Moi qui ne suis venu à la Route du Rock qu’une fois il y a déjà un petit paquet d’années, j’apprends que cette scène est une forme d’hommage pour les plus ancien·nes qui ont vécu des concerts ici, au pied des remparts, zyeuté·es par les moutons. Ayant cramé mes dernières cartouches sur la piste, banane vissée au visage, je retrouve les potes pas encore couché·es pour nous mettre en route vers le camping avec la promesse d’un dernier godet avant le dodo.

La fête de la bière comme équivalent allemand ?

2h. L’heure de la petite pause. On mate They Hate Change distraitement depuis une table du chapiteau bar en sirotant une pinte, en compagnie d’un couple de Munichois·es en goguette en Bretagne. Il et elle découvrent le festival, ravi·es de trouver une ambiance aussi « herzlich ». La fête de la bière comme équivalent allemand ? Nan, faut pas déconner quand même. Le même esprit de camaraderie peut-être, mais niveau musique y a pas photo. Bon, là, l’exemple n’est pas le bon : après la claque qu’on vient de prendre devant Jamie XX, les ricains peinent à maintenir l’ambiance. Flow poussif, gloubi-boulga en termes de prod, drum-and-bass-and-grime-and-punk-and-hiphop, ouah, un peu trop confus pour me faire danser.

Jamie XX

Jamie XX

0h30. Ça fait à peine 15 min que Jamie XX a démarré son set et déjà la foule est en délire. Le Londonien ex-The XX (ou actuel ? On ne sait même plus, tellement il se fait rare sur scène ou en studio) nous remixe ses classiques en forme de cours d’histoire sur les origines de la house et de la techno. Des volées de soul, de disco, de funk me font décoller au-dessus du sol. Je regarde autour de moi, les visages sont hilares, tout le monde a l’air emporté. Ça danse de partout, toutes et tous ensemble. Moi qui vient de relire Le Chant de la Machine, de David Blot et Mathias Cousin, je suis aux anges : voilà les racines de la musique électronique servies sur un plateau, enchaînées à la perfection par un érudit. Et ça part en UK Bass, Jungle, dubstep, des sons caribéens, garage, Afro house, de l’electronica, un poil de trip hop et des envolées de techno, j’arrive même plus à suivre… Le gars est là pour nous montrer qu’il a bien tout assimilé et nous sert en guise de bouquet final son tube Gosh, version dopée à la grime. À la fin du set, je suis en sueur et ravi, boosté pour la soirée. Vite, une pinte ou je tue quelqu’un !

À la fin du set, je suis en sueur et ravi

23h30. Sacré contraste après le rock planant de The Brian Jonestown Massacre qu’on vient de quitter, Flohio déboule avec son hiphop estampillé nouvelle scène de London. C’est frais, ça fait bouger mes guiboles en deux secondes, la foule kiffe et la rappeuse aussi a l’air de bien s’éclater. Évidemment je pense à Little Simz, pour son attitude, ses racines nigérianes, son accent et les thèmes abordés, mais la comparaison s’arrête là. Je suis convaincu par sa patate mais pas forcément par toutes ses productions, son flow ne se calant pas toujours au mieux sur certains des passages plus electro. En tout cas ça nous motive bien pour la suite. Je vois dans les yeux rieurs de mes potes que ça y est, on est bien chaud maintenant !

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Flohio

22h. Nous ne sommes pas là depuis longtemps mais déjà je prends mes marques. Au bar c’est fluide, aux toilettes aussi, ça circule partout sans se bousculer. Ah il est là, l’esprit de la Route du Rock, je l’avais un peu oublié mais oui ça me revient, cette atmosphère chill, où les concerts se sirotent d’un air de connaisseur, où ta pinte ne se fait pas renverser au bout de trois secondes par un type trop excité, où les darons sont plus nombreux que les kids, où tu discutes des groupes que tu as vus ou loupés avec des inconnus sur une grande tablée au chapiteau bar. En entamant ma première pinte d’une longue série, je vois arriver un couple d’amis, on se tombe dans les bras. Parfait de vous avoir avec nous, on va bien se marrer ! Inconditionnelle de la RdR depuis un bon paquet d’années et hyper calée en rock indé, Maria me débriefe ce qu’il fallait retenir des jours précédents. M83 : trop attendu, trop guimauve. King Gizzard & The Lizard Wizard : toujours aussi génial. The Black Angels : cool. Osees : une grosse pêche, vraiment bon. Squid : efficace remplacement de dernière minute des Viagra Boys. Clipping : super découverte, bonne patate hiphop. Deena Abdelwahed : bof.

Le son chaud, enveloppant, nous fait léviter

Pendant ce temps-là sur la grande scène, les chevelus californiens que je ne voulais surtout pas manquer s’installent. The Brian Jonestown Massacre, darons du rock psyché avec le génial Anton Newcombe en chef d’orchestre. Sept zicos de folie (dont un tambourine man vaguement chanteur à l’air dépressif, qui m’aura bien fait marrer) paraissant nous recevoir dans leur salon enfumé, sur des tapis orientaux, entourés d’amplis des années 60 qu’ils triturent entre chaque morceau en prenant tout leur temps pour s’accorder et s’allumer une énième clope. Les yeux brillants, mes potes phasent sur la qualité de la vidéo sur l’écran au-dessus de nous. Qualité ARTE Concert, je dis, et je confirme au revisionnage, la vidéo tournant en fond tandis que j’écris ces lignes. Le son chaud, enveloppant, nous fait léviter. Ready to rock baby ! Sauf que ce sera les seules guitares qu’on entendra de la soirée, le reste se partageant entre electro et hiphop. Ben ouais les gars, il fallait s’y attendre, un samedi à la Route du Rock, c’est plutôt la Route de la Teuf ! D’ailleurs, ce soir ce n’est pas forcément pour nous déplaire.

The Brian Jonestown Massacre

The Brian Jonestown Massacre

21h30. Ouais, on a pas mal tardé à entrer sur le site. C’était prévisible, en commençant l’apéro sur la plage et après un pit stop au café rhum au camping. Mais pas de regret, on aura bien profité du soleil malouin, les pieds dans l’eau en écoutant les dernières mesures de Grand Blanc, sur la plage ARTE Concert (pour nous ça reste la plage de Bon-Secours, on est d’accord). Et puis de toute façon, Bodega, qui passait à 20h45 ne m’intéressait pas plus que ça, déjà vu aux Transmusicales et franchement pas fan. Jockstrap et Sorry, les deux précédents ? J’avoue, même pas envisagé une seconde de les voir. C’était cool ?

 Le soleil nous file la patate, ça promet une bonne soirée !

16h. Enfin les pieds dans le sable, après une petite aventure depuis Rennes, mine de rien : choper des sandwiches sur la route, se garer au parking du festival, récupérer le bracelet camping, monter la tente, attendre la navette, dans intra-muros se frayer un passage parmi les touristes suant leur galette-saucisse à 7 balles en faisant la queue pour leur glace Sanchez… Sans s’être concerté·es avant, on tombe sur une petite bande de potes qui se motive à se joindre à nous. Le soleil nous file la patate, ça promet une bonne soirée !

Flash forward : dimanche, 11h45. Je passe la tête en-dehors de ma tente. La sécurité a commencé à dégager tout le monde gentiment. J’en profite pour en placer une pour la team Shark. Franchement, niveau sécu, ils et elles étaient au top : pas chiant·es, pro, souriant·es, sympas, un régal. La tête farcie, je plie les gaules. Pas envie de rentrer tout de suite, on viendra chercher la voiture plus tard. Mission du jour : burger réparateur, sieste sur la plage, baignade. Allez, vivement l’année prochaine !

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