Club de lecture aléatoire #3

Les pages se tournent à leur rythme : poésie, romans graphiques ou romans tout court sont au programme de notre florilège (à retrouver chez votre librairie indépendant le plus proche). Bienvenue dans notre club (secret) de lecture aléatoire.

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Aurélie Olivier – Mon corps de ferme


 

« Si toi aussi tu es une exception qui confirme les normes de l’agroalimentaire, s’il te plaît, écris-moi. » page 41

Mélanger le corps à la ferme, l’intime aux chiffres de l’agriculture qui détruit les sols : Aurélie Olivier ne procède pas au remembrement de la poésie, elle la nourrit de subtils lombrics et d’une terre riche en images. Entre la description rurale, abrupte, tranchante, des confins des abattoirs aux emprunts pour payer le tracteur John Deere, la pollution vient ici contaminer les corps ; avec, en première ligne, celui des femmes qui « servent à manger » dans des cuisines de corps de fermes. Celui des hommes. Et aussi, celui des vaches.

13 janvier 2023 – 88 pages – Éditions du commun – 11 €

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Julie Delporte – Corps vivante


  »J’ai coupé mes cheveux court. On m’a appelé trois fois “monsieur” en France ; cela n’est jamais arrivé ailleurs. »

Après avoir effectué sa Décroissance sexuelle aux éditions de L’Oie de Cravan (2021), Julie Delporte devient corps vivante dans ce (beau) livre aux teintes pastel. Un récit intime, sur son cheminement tant intérieur qu’extérieur ; avec un texte manuscrit à la pointe de graphite, l’autrice raconte sa réorientation amoureuse et sexuelle, jalonnant son histoire de références d’Annie Ernaux aux moomins de Tove Jansson. Presque à chaque page, un dessin, une illustration qui embellit le propos entre visages, motifs floraux, plantes sauvages ou couleurs qui tirent vers l’abstraction. Julie Delporte est devenu un corps lesbien, un corps vivante.

 

20 janvier 2023 (Europe) – 268 pages – Éditions Pow pow

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Daty Diallo – Deux secondes d’air qui brûle


« Sans aucune annonce, les réverbères et la pyramide s’éteignent et plongent la place dans la pénombre. Seules les guirlandes continuent de clignoter. Les conversations se sont évanouies. L’espace d’un instant, en fermant les yeux, la place semble avoir été désertée par la foule. » p. 122

C’est un livre incandescent. Un livre pétri de douleurs et de poésie. De rage et d’étincelles. Parue en 2022, cette fiction (dont on notera bon nombre d’ambiances et de décors qu’on en sentirait le froid du béton) suit les aventures d’Astor (qui se fait ici narrateur), Chérif, Issa, Demba, Nil. Puis, il y a la mort de Samy. Tué par la police. Et pourtant, ce n’est pas le lexique habituel qui va prendre place pour raconter la douleur. C’est une pyramide, un élément urbain, qui va devenir un leitmotiv et un symbole. Un livre entre tensions et rêverie. Juste deux secondes pour se demander : l’air est-il combustible ?

Seuil – 19 août 2022 – 17,50 €

 

 

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Bergsveinn Birgisson – Déperdition de la chaleur humaine


 

« Ce qui est merveilleux avec la chaleur humaine, c’est qu’on la rencontre le plus souvent là où l’on s’y attend le moins, et rarement là où elle devrait être. » p. 115

C’est une échappée à travers l’Islande. L’un s’est échappé de l’hôpital psychiatrique, l’autre sort d’un divorce douloureux. Deux amis qui se lancent sur un chemin et, dans chaque pas ou chaque chute, c’est le portrait d’un monde qui manque de chaleur humaine qui apparaît. De ces choses non marchandes et de ce qui va de travers puisque si « tout est à vendre, rien n’a plus de valeur ». C’est une histoire d’amitié entre les fjords, qui traite avec tendresse de la dépression parmi les aventures rocambolesques du duo. Parsemé de quelques illustrations à la manière de gravures, il convient après lecture d’aller chercher, partout, de la chaleur humaine.

4 janvier 2023 – 192 pages – Gaïa éditions – 22 €

 

 

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Yann Damezin – Majnoun et Leïli, Chants d’outre tombe


C’est un véritable travail d’orfèvre que livre ici Yann Damezin avec Majnoun et Leïli : revisitant un conte fondateur de nombre de poèmes orientaux, l’illustrateur signe une œuvre graphique éclatante, ciselée de détails, colorée, qui enchante l’œil, et bien sûr le cœur.  Après Concerto pour main gauche parue chez le même éditeur, Yann Damezin s’inscrit dans la cour des grands avec cet ouvrage qui puise une bonne partie de ses ornementations dans les arts du monde arabe. Et il y a le texte, en alexandrins, qui s’inscrit parmi les couleurs, l’histoire du poète rejeté Majnoun, le fou. À déguster avec amour.

La boîte à bulles – 176 pages – 9 novembre 2022

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