Emma, jeune autrice de bandes dessinées, s’est déjà fait remarquer grâce à trois volumes sur la question. En quelques pages tranchantes et féministes, elle propose dans Des princes pas si charmants une vision sur la place de la femme dans la société et dénonce le sexisme bienveillant. Ce dernier opus décrit ainsi la place de la femme à la maison mais surtout dans l’entreprise ; une toute petite place bien entendue.
Pas la peine de faire des vagues, la femme se doit d’être charmante, douce, polie et est particulièrement distinguable par ces qualités de communication, surtout quand elle va dans le sens de ces messieurs. Étranges relations décrites qui poursuit ce dernier opus d’Emma. Dans sa bande dessinée La charge émotionnelle et autres trucs invisibles, elle s’était déjà engagée sur la question de la femme et avait déjà contribué à populariser l’expression « charge mentale ». Une expression également reprise dans la presse comme dans l’article de Xavier Molénat, intitulé « 24 heures chrono » qui dépeignait déjà la double peine que vivent les femmes : une journée de travail qui s’accompagne d’une soirée occupée aux tâches domestiques, « vive les enfants et le ménage ! »
Le partage des tâches n’est donc pas encore à l’ordre du jour et il y a pire encore comme le rappelle Emma, la belle politesse, légèrement condescendante de ces messieurs au boulot. Elle lui paraît consternante car elle consacre en pauvres petits êtres bien fragiles les femmes car elles ne peuvent réussir sans eux ou parce qu’elles ont bien trop de responsabilités. Avec Des princes pas si charmants, Emma rappelle donc que le monde du travail est le lieu de bien des inégalités et celui du sexisme bienveillant : belles petites choses que ces femmes qui sont adeptes des compliments et des portes tenues. Pourtant, les femmes auraient tort de s’en contenter et de ne considérer ce lieu que comme un endroit qui permet d’obtenir un salaire, moindre bien sûr que leurs confrères. Bien entendu, Emma n’oublie pas non plus d’évoquer la contraception, la peur dans les transports en commun, les régimes, le look et ces multiples diktats que la société impose imperceptiblement aux femmes.
Il est vrai que cette bande dessinée est distrayante et constitue une parfaite introduction sur le féminisme car elle livre une réflexion sur la manière de voir la place de la femme actuellement qui ne manque pas de piquant. Néanmoins, nul ne doit s’éloigner de quelques lectures de taille qui donnent encore bien des clés pour mieux comprendre cette inégalité sociale. À vous donc les lectures d’une Chambre à soi de V. Woolf ou encore des Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir pour commencer. On découvrira ainsi que si Shakespeare avait été une femme, sa chambre, lieu d’écriture, n’aurait pas été à elle : point de Roméo ou Juliette ou même d’Hamlet si ce n’est dans son imagination ou sur un support, depuis longtemps jeté. Pas de reconnaissance aussi exemplaire qu’un compagnon philosophe car on est, après tout, qu’une intellectuelle bien dérangeante qui dénonce la condition féminine de son époque : des études, oui, mais seulement pour faire un bon mariage et les oublier aussitôt en ménage.
Bien entendu, il y a des améliorations sur la question et elles sont à considérer : un peu d’encouragement n’est jamais inutile. Mais, n’oublions pas tout de même qu’elles ont toujours été le cas de révolutionnaires en jupe ou sans soutien-gorge qui ont su provoquer : je sais, il est facile de les trouver « trop » quelque chose. Néanmoins, les choses n’avancent pas sans ces révoltes que nous rappelle parfaitement cette collection dessinée par Emma. Il est ainsi question du vote des femmes, de la révolte espagnole de mars 2018, de la mobilisation contre les féminicides et de bien d’autres événements qu’il est utile de connaître pour en savoir plus sur la situation actuelle. Reste qu’une réflexion s’impose : allez les filles, de la solidarité et de la poigne pour construire avec ces messieurs une société plus juste (si, si, ensemble, on est plus forts !). Les œuvres d’Emma constituent donc un bon début pour songer à la place des femmes, avec une femme, en espérant que cela fasse avancer une société qui en a besoin : avouons-le et lisons-la.