La musicienne new-yorkaise Margaret Chardiet, alias Pharmakon, revient avec un quatrième album chez Sacred Bones Records, Devour. Un cinq pistes en deux faces enregistré en condition live qui pousse un cran plus loin l’intensité de l’esthétique noise de l’artiste.
Margaret Chardiet est née en 1990 à New York, de parents artistes punks actifs dans la scène alternative locale. Adolescente elle découvre la musique noise qu’elle continue d’explorer notamment à la boutique du label Hospital Productions, tenue par l’hyper-prolifique Dominick Fernow (Prurient, Vatican Shadow entre autres), avec qui elle collabore sur « Worm in the Apple » pour Prurient en 2007, sous le nom de Miss Chardiet. Ce fut le pas décisif pour lancer son projet solo Pharmakon la même année. Elle signe chez Sacred Bones Records en 2013 qui publie tous ses albums, et se fait remarquer sur la scène internationale par sa musique empreinte d’une certaine tradition industrielle (Throbbing Gristle et Whitehouse en tête) mais sans relecture nostalgique, offrant une perspective actuelle et forcément plus excitante. Ses performances en concert sont également remarquables, lors desquelles elle se confronte littéralement avec son public même en étant ni grande ni physiquement imposante, inversant une certaine dynamique genrée : c’est une jeune femme blonde de 1,52 m qui intimide un groupe majoritairement masculin.
« This album is dedicated to all who were lost to their own demise, all who have been institutionalized; whether in prison, psychiatric facilities, or drug rehabilitation. It is for all those ostracized by and isolated from a totality which chews them up alive in a self-cannibalizing caste system. Here, where martyrs, slaves, and pharmakos are not eradicated, but simply called by another name. » note d’intention par Margaret Chardiet *
Pharmakon, à la fois poison, remède et bouc-émissaire dans sa définition, est un projet personnel et viscéral, dans lequel Margaret Chardiet explore des questions liées au corps et sa vulnérabilité. Elle pose pour son premier album Abandon couverte d’asticots, d’organes animaux pour son deuxième album Bestial Burden, conséquence d’une lourde opération subie en urgence, le troisième Contact explore ses angoisses de mort qui la submergent par moments depuis l’enfance. Devour utilise l’auto-cannibalisme comme allégorie de la nature auto-destructrice de l’humanité, et est dédié aux personnes broyées par celle-ci. Il est composé de cinq pistes, trois sur la face A (« Homeostasis », « Spit It Out » et « Self-Regulating System ») et deux sur la face B (« Deprivation » et « Pristine Panic _ Cheek By Jowl »), qu’il est préférable d’écouter d’une traite pour respecter le dispositif d’enregistrement en condition live, réalisé par Ben Greenberg (Uniform). Un album à ranger près du CALIGULA de LINGUA IGNOTA, une fois remis de celui-ci, chacun étant une pièce qui ne s’écoute et ne s’éprouve pas sans conséquence (au casque de préférence), et dans lequel se plonger entièrement – jusqu’à se laisser bouffer par le son.
* « Cet album est dédié à toutes les personnes perdues dans leur propre effondrement, toutes celles qui ont été institutionnalisées ; que ce soit en prison, établissement psychiatrique, ou centre de désintoxication. Il est pour toutes ces personnes ostracisées et isolées par un ensemble qui les broie [mâche] vivantes dans un système de caste auto-cannibale. Ici, où les martyrs, esclaves, et boucs-émissaires ne sont pas éradiqués, mais simplement nommés autrement. »
Pharmakon, Devour, sortie le 30 août 2019 chez Sacred Bones Records. « Self-Regulating System » et « Spit It Ou » sont déjà en écoute ainsi que ses trois précédents albums sur Bandcamp.