La Revue de Seize #21 [octobre/novembre]

C’est le bras levé et la moustache tendue que s’amorce cette Revue de 16. Un message depuis Nice, un autre au Brésil, ou encore un depuis l’espace via Jupiter, ce numéro est réservé aux rêveurs et aux rêveuses amoureu·x·ses des rimes lunaires. Art sensible s’abstenir : Gaël Faye, Infinit’, Pumpkin & Vins Da Cuero, Oster Lapwass, Scoop & J.Keuz, Flynt, Oz & Many Deïz sont au rendez-vous ce vendredi 16 pour débloquer nos voix et artères. Alors enjoy it !


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« L’humanité n’est qu’une publicité mensongère,

Une main tendue qui n’a aucune conviction en son geste »

[Oz x Mani Deïz - Libre]


ÇA VIENT DE SORTIR ///


 

  • PUMPKIN & VIN’S DA CUERO - ASTRONAUTE

pumpkin-da-cuero-astronauteDirection la lune pour la rappeuse Pumpkin et le producteur Vin’s Da Cuero ? Le duo nantais qui a su s’affirmer dans le paysage du rap français ces dernières années livre un nouvel album qui oscille entre côtés sombres et lumineux; la rappeuse fait le tour de son quotidien et semble l’éclairer au regard des cycles lunaires sans pour autant jouer l’éclipse. Côté invités, plutôt une belle brochette avec la chanteuse China Moses, Miscellaneous de Chill Bump ou encore JP Manova, mais aussi des musiciens, beatboxer et scratcheurs. Car c’est aussi « Make boom bap great again », sans pour autant jeter les sonorités électroniques : le son pioche dans les 2 directions sans pour autant faire éclater son homogénéité (et l’ensemble passe crème). Un disque qui invite une parole assez rare au sein du rap français avec « Mauvais genre », déjà présent sur Persona Non Gratis, et qui va avec technique au bout de ses 12 titres avec une déclaration finale assumée qui groove. « Parler avec le cœur est devenu tabou », pas pour Pumpkin. Les cosmonautes, qui ont aussi sorti le projet sur vinyle, ont bien effectué leur alunissage. À vous la tour de contrôle.

  • OSTER LAPWASS – PENSE BÊTE

lapwass-pense-beteLyon, ici Lyon : Oster Lapwass revient nous coller des post-it rapologiques avec un nouvel album intitulé Pense bête. Pas la peine de l’accrocher sur la porte de son frigo, ça sert à rien, le rap servi sur ces 14 nouvelles productions se mange chaud. Au micro, on retrouve les habitués de la maison : Anton Serra qui se la joue « Confortable » sur une instru nostalgique et quelques envolées électroniques, Lucio Bukowski qui se promène avec nonchalance et noirceur sur « Gargantua » , vient bricoler ses rimes avec « 22 outils » et quelques effets vocaux, ça se la joue lent avec Ethor Skull (« Mon rap sait »), léger « Comme un oiseau » avec Marius B sur une guitare acoustique, plus sombre avec Mounir sur « Continue de danser » : Oster Lapwass jongle habilement entre les styles et les univers, il ose tout et c’est même à ça qu’on l’reconnaît ! Bref, inutile de vous rappeler en pense bête qu’il faut écouter Pense bête, et ne pas oublier de nourrir le chat sans poils sur la pochette.

  • SCOOP & J.KEUZ – HOMO CYNICUS (EP)

homo-cynicus-scoop« J’sais pas si la vérité blesse, mais la calomnie tue. » Lentement mais sûrement, la team Scoop & J.Keuz avance dans les pas de l’Homo Cynicus. Loin de tout, c’est face au vent que l’ADN des deux compères s’est forgé. Avec Scoop, Oteest et Maodea, les prods minimales et électriques viennent servir sur un plateau les propos de J.Keuz. Et les darwinistes risquent de ne pas être déçu·e·s du voyage ! « Ceux qui prêchent la sobriété n’ont-ils pas surtout des livres à vendre ? » Un tacle pour les artistes soi-disant engagé·e·s, un autre pour Pierrot Rabhi, les phases du rappeur ne font pas dans le détail sur « Ôtrement dit ». C’est ce qu’on appelle planter le décor ! « L’amitié n’a pas de prix, pour tout le reste y a le e-commerce ». Avec le milieu du hip-hop en toile de fond, J. a beaucoup à dire et nous invite parfois à deviner la suite : « Non je n’suis pas bipolaire, c’est juste qu’un homme avertit en vaut… » Entre une « Remontée d’Acide » et au milieu des « Zombies », le duo se fait une place de choix. Là où le taff prend le dessus sur le quotidien, « Zombies » tient la comparaison avec un « Chute Libre » de Lomepal. Avec des passages chantés et plus légers, l’EP propose des variétés sonores qui combleront nos manques les plus intimes d’homo sapiens. S’il faut se tenir prêt pour écouter Homo Cynicus, il faut s’attendre à un album à l’image de son titre. Jusqu’à la fin, il y a de l’eau dans le moulin ! De la Grèce antique avec « Cynosarge » en passant par les chiens, le périple de l’Homo Cynicus est loin de tout repos ! Homo Cynicus, ou la belle « revanche sociale » d’un duo qu’on espère retrouver bientôt !

  • GAËL FAYE – DES FLEURS (EP)

gael-faye-fleursAlors  là c’est le bouquet ! Après le succès de Pili Pili sur un croissant beurre, de son roman Petit Pays, d’un EP qui mêlait Rythmes et botanique, la plume de Gaël Faye sort ses pistils pour venir nous le dire avec Des fleurs. Un nouvel EP 5 titres qui débute avec un joli duo en compagnie de la chanteuse Flavia Coelho sur une balade brésilienne. Un côté été indien pour l’hiver ? Que nenni. Gaël Faye continue, toujours sur des productions musicales de Guillaume Poncelet, son art du slam, du story telling, avec le titre suivant « Jackie Jacky Jack » (l’histoire d’une sorte de mante religieuse serial killer). Sorte de McSolaar chantant « le bien le mal », il tranche plus nettement avec « By » sur la question du dérèglement climatique et la souffrance du continent africain : « Je suis de cette époque où la moitié du globe vit toujours sous tutelle. Nous étions déjà des damnés, nous devenons leur poubelle. » Il n’y a donc pas de jugement moral, mais martèle que le globe est coupé en deux. Textes ciselés et écrin musical en trompette(s), le format court va comme un gant à Gaël Faye, rappelant qu’un bon mot dit à temps vaut souvent mieux qu’un long discours.

  • INFINIT’ – MA VERSION DES FAITS  (EP)

infinit-version-des-faits« Mes textes n’engagent que moi, une volonté d’faire, pas de langage de bois. » Annoncé seulement une semaine avant sa sortie, Ma Version des faits n’a pas eu besoin de com’ pour être en première ligne. Depuis NSNLM et ses petits « kikou » à Estrosi, Infinit’ redémarre au quart de tour pour un EP de 8 titres. Mais de quelle version parle-t-il ? Pour soutenir leur pote, Infinit’ fait appel à la barre à Barry, Veust, Max B. (son rappeur préféré), Alpha Wann ou encore le duo prolifique Caballero & Jeanjass. Infinit’ ne se limite pas à lui-même, comme à son habitude. D’ailleurs pas d’intro, on entre direct dans le vif du sujet avec l’morceau éponyme. Et ça envoie sec ! Les premières impressions sont bonnes. Infinit’ performe et s’lâche sur une prod kitch et totalement « ailleurs ». « Laissez-nous faire la guerre en paix » s’indigne Karim. Celui qui a refusé des feats avec des opposants politiques à Cricri Estrotro n’hésite pas à rapper sur tous les terrains de jeux : en Asie (« Saint-Exupéry »), sur Krypton (« Clark Kent ») ou bien en cuisine (« Ma Recette »). Avec Hologram Lo’, VM The Don, ou Frencizzle à la prod’, les sons ont chacun un goût différent. « Insomniaque depuis la nuit des temps », le Niçois reste présent jusqu’au bout pour le dernier et meilleur morceau de l’album avec Alpha Wann : « Vivre Bien ». Avec un EP qui l’innocente de moins en moins, Infinit’ s’en sort plutôt bien. Mais ne le condamnez pas trop vite ! En attendant l’album ? Affaire classée !

  • OZ & MANI DEÏZ – POUR TOUJOURS

oz-mani-deziPour-toujoursCelui qui reste « fier comme un guerrier peul » vient rapper sur des prods de l’incontournable (et infatigable) Mani Deïz : le rappeur normand Oz sort en collaboration avec le beatmaker Pour toujours. On ne compte plus les collaborations de Mani Deïz mais il recroise ici Hartigan pour qui il avait produit Purgatoire en 2017, et le rappeur est ici en featuring sur « Hommes d’honneur ». Et finalement c’est un peu le tour de force du producteur : révéler une nouvelle plume, un nouveau flow dans le paysage du rap français, là où la mise en lumière fonctionne plutôt en sens inverse entre rappeur et DJ. Le tout reste boom bap, avec de jolies boucles à grain en introduction comme le titre éponyme, et Oz déroule ses textes bien ficelés comme le superbe « Libre » : « j’souris à la vie comme un ancien qui m’dit qu’es’tu racontes : fais l’inventaire de fond en comble, tu verras c’est pas si sombre ». Une volonté de sagesse qui court comme un fil rouge tout au long du disque. Alternant récits d’échecs et moments de lumière, ces derniers sont tout de même rares. Les pieds ancrés dans le réel, avec une écriture assez brute qui le placerait du côté des Furax, Oz évite l’écueil de la facilité sur des thèmes remâchés dans le rap français : liens familiaux, manque d’argent… Pas vraiment de nouveau sous le ciel gris donc, mais un 1er album réussi du 1er au 12e titre, livré avec sincérité. Tant pis si c’est pas dans la tendance.

  • FLYNT – ÇA VA BIEN S’PASSER 

flynt-cavabienspasser« Chose promise, chôme-du. » Troisième album pour Flynt ! Avec Ça va bien s’passer, le rappeur du 18e ne lâche toujours pas le morceau et continue de décharger ses rimes. L’occaz’ immanquable de s’attarder sur « son cas ». « Blanc comme Joe Lucazzi » ou je-m’en-foutiste façon « Lorenzo« , Flynt sent qu’il a les seize entre deux chaises en voyant défiler les nouvelles générations. Inspiré par le « Joga Bonito », c’est pourtant un album un brin plus lent et plus sombre qu’on semble écouter, comme si le Parisien souhaitait prendre son temps pour faire avaler la pilule. C’est d’ailleurs quand certains ont le dos large que lui préfère faire « Le Dos rond ». Avec ce morceau, Flynt montre qu’il est capable d’être au top et qu’il vise juste tel un escrimeur (s’il gagne évidemment). Lancé, le rappeur s’évertue à combler les « pages blanches » avec ses histoires à deux. Avec Jeanjass, Sopico, Hash 24 ou Sofiane Pamart, Flynt gravite en essayant de trouver sa fibre artistique entre aficionados du passé made in J’éclaire ma ville et la vibe actuelle. C’est alors qu’arrive ma pref’ : « Lutèce ». Signant ses rimes les plus soignées et les plus incisives, ça casse sans se freiner entre punchlines, références à son statut d’ancien et aux portes d’un nouveau monde. En tenant compte des amours d’hier, à la perte du père d’un pote et le foot, c’est compliqué de rester à sa place. « Le rap c’était pas mieux avant, nous si. » Surprenant jusqu’au bout pour terminer sur un « Champions du Monde » (cohérent si l’on revient au 1er morceau), Flynt se fout pas de la gueule du monde avec Ça va bien s’passer. Les doutes ont-ils été évacués ? Non, Flynt n’est pas cramé, il brûle encore ! 


« Le rire jaune c’est pas à cause des clopes, c’est pas à cause du café
Le masque sur les visages c’est pas celui de Jim Carrey »

[Le Dos Rond - Flynt]


LES AUTRES ALBUMS [EN UN CLIP] ///


Sniper – Personnalité suspecte Vol. 1 / Hors Piste & Mani Deïz – Deïz Mesures / Bohemian Club – Substance M / Coelho – Vanités / Grems – 7 sans le titre / Gringe – Enfant Lune / Joe Lucazz – Carbone 14 / Kery James – J’rap Encore / Fadah – Ouragan / FL-How X Many The Dog – Bunker

 
 


« Le monde moderne est un ministre cocaïné qui entre en toi
Par derrière et sans mots doux »

[Lucio Bukowski X Oster Lapwass - Gargantua]


ÇA VA SORTIR BIENTÔT ///


  • 16.11 : A2H – L’Amour
  • 16.11 : L’Or Du Commun - Sapiens
  • 22.11 : Tedji & Dust Dealers - 22 Rue Vanderschrick
  • 23.11 : Georgio – XX5
  • 23.11 : Kalash Criminel – La fosse aux lions
  • 30.11 : Mac Tyer – C’est la street mon pote
  • 30.11 : Nelick – Dieu sauve KiwiBunny
  • 30.11 : Billie Brelok - Gare de l’Ouest

ÇA GROOVE À L’OUEST !


Au 1988 LIVE CLUB :

      • 16.11 : Rennes Hip-Hop All Stars : Skuna x Pura Pura invitent Sear Cabe
      • 17.11 : Necro x DJ Marrrtin
      • 23.11 : Evidence
      • 24.11 : Live Hip Hop Session : Blu Samu x Dj Sauza x Demnaty

À l’Ubu :

      • 15.12 : Doums & Népal
      • 17.01.19 : Columbine

À la MJC Bréquigny :

      • 24.11 : Bad Fat feat Napoleon Maddox

Au 6PAR4 (Laval) :

      • 23.11 : Isha + Le 77 + Di-Meh 

« La paix c’est la liberté pour les riches »

[Guerre à la guerre - FL-How X Many the dog]


Les Damné.e.s de la Terre /// Rocé


Si peu comprennent… Après avoir « chanté la France », Rocé honore les mémoires et luttes anti-coloniales en chansons via son label Hors Cadres. Lui, fils d’un faussaire de passeports pour permettre aux victimes de s’échapper de la guerre, ressort du fin fond des limbes des poètes oublié·e·s par les nations. Avec 24 titres enregistrés de 1969 à 1988, Rocé redonne ses titres de noblesse aux chanteurs et chanteuses militant·e·s. Un ouvrage, complété par le travail de 2 historiens dans le livret, qui est bienvenu pour renouer les nouvelles générations avec leur passé.


« Mes textes n’engagent que moi, une volonté d’faire, pas de langage de bois
Dans un monde de prédateurs, faut pas l’mental de proie »

[Ma Version des faits - Infinit']


 collab. Herouann X Karedwen

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