Mon Frère, de Julien Abraham

Mon Frère, de Julien Abraham : un film énergique, avec des jeunes acteurs aussi inconnus au bataillon que formidables, sur le monde des centres éducatifs fermés (CEF).

L’éducation n’est pas la même pour tous – en invoquant les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, Maxime Le Forestier le chantait déjà en 1988 avec « Né quelque part ». Les chances au départ sont réparties de manière très inégale. Ça saute aux yeux, a fortiori quand on naît dans une famille où la violence est quotidienne, voire quand on n’a pas de parents du tout, qu’on va de famille d’accueil en famille d’accueil, que les modèles des adultes sont largement défaillants, qu’on subit des viols, etc.

Ici, Teddy (MHD), suite à de graves problèmes familiaux – un parricide –, atterrit donc dans un CEF.  Les éducateurs et éducatrices (qui mériteraient toutes et tous a minima la Légion d’honneur pour leur dévouement, leur désintéressement et leur sens inaltérable de la cohésion sociale) ont intérêt à avoir la couenne épaisse, des méthodes inventives, de la répartie, une vocation bien ancrée et les nerfs solides s’ils veulent survivre plus d’une demi-journée dans ce milieu clos traversé de tensions multiples et de provocations usantes. Élève brillant et flegmatique, Teddy va devoir redoubler de vigilance et de force morale pour ne pas tomber dans les pièges qui truffent l’ordinaire d’un CEF.

boxe

La thérapie boxée, pratiquée par l’éducatrice et psychologue Claude (Aïssa Maïga), ne sera pas de trop pour remettre à l’heure quelques pendules déréglées. 

Les enfants sont bien connus pour être des « éponges » ; que vont-ils faire de toute la violence qu’ils auront « épongée », « essuyée » ? La brutalité sordide – et les chemins de résilience pour, peut-être, y échapper – est au cœur de Mon Frère. Quelque part entre Ma Vie de Courgette de Claude Barras (2015), La Tête haute d’Emmanuelle Bercot (2015) ou De toutes mes forces de Chad Chenouza (2017), Mon Frère nous invite à, si besoin, changer de regard sur une frange de la population, tout juste bonne à être « kärcherisées », que d’aucuns considèrent comme des « racailles » ; la prof de français de ce CEF (Fatima Ait Bounoua) suggère d’ailleurs qu’on se penche sur l’étymologie de ce terme largement péjoratif – qui fait écho aux assez sinistres propos tenus en 2005 par Sarkozy alors ministre de l’Intérieur en visite à Argenteuil. C’est donc à la fois très réussi, revigorant, tragique, trash et chargé d’émotions bien pensées. Le fait que ce long-métrage se situe de surcroît sous l’égide du préambule à l’ordonnance sur l’enfance délinquante du 2 février 1945, signée par le général De Gaulle, n’y est sûrement pas étranger :

« La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

Mon Frère – Drame français de Julien Abraham – Avec MHD, Darren Muselet, Jalil Lespert, Aïssa Maïga, Fatima Ait Bounoua… – Musique de Quentin Sirjacq – Sortie le 31 juillet 2019 – Durée : 1h36.

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