Entrez dans la danse, de Jean Teulé : un roman sur la transe, jusqu’à la mort.
Strasbourg, été 1518 : une « drôle » d’épidémie s’empare de la ville. Les habitants se mettent à danser. Rien ne semble pouvoir les arrêter. En ce mois de juillet brûlant, il faut dire que la misère règne, la faute à plusieurs années consécutives sans récoltes. Cette danse frénétique, morbide et contagieuse, est peut-être la dernière façon d’exorciser collectivement cette profonde détresse commune.
Le maire de la ville, Andreas Drachenfels, brasseur, est désemparé. D’autant que des invasions turques menacent de noircir encore un peu plus le tableau lamentable que Jean Teulé dresse de la cité strasbourgeoise dont certains habitants, faute de bière et de choucroute, sont contraints de pratiquer le cannibalisme – et l’infanticide au préalable – pour survivre.
L’évêque, le fieffé Guillaume de Honstein, qui mange du brochet et du poulet rôti à chaque repas, car il a les clés de cambuses abondamment bien garnies grâce aux années de prospérité qui précédèrent la disette, saura-t-il régler la question de ces centaines de malheureux possédées par le démon de la gesticulation ?
Fresque effrayante de l’épisode dantesque d’une technoparade endiablée, sorte d’Agitato sans aucun garde-fou et complètement débridé, en ce début de XVIe siècle marqué par le surgissement de la pensée luthérienne, Entrez dans la danse, de Jean Teulé, se situe entre le pamphlet contre les abus de la ploutocratie (l’Église, notamment, toujours partante pour s’accaparer les richesses de ses ouailles, pour abuser de la naïveté des désespérés tout juste bon à être sacrifiés sur l’autel de la cruauté, ou pour vendre à prix d’or des illusions), le conte populaire un peu rabelaisien et l’essai historique, le tout éclairant une séquence peu glorieuse relative à nos sociétés fragiles – et imprévisibles.
Entrez dans la danse, roman de Jean Teulé, Éditions Julliard, Paris, 2018, Pocket, 2019, 158 p.