Mercredi 8 novembre, le Ciné-Tambour projette à 18h le chef d’oeuvre de Chantal Ackerman Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles. Un long-métrage hypnotique autour de la mécanique domestique des femmes où comment la découverte de la jouissance perturbe un quotidien morne et répétitif.
Jeanne Dielman (magnétique Delphine Seyrig), une mère de famille célibataire vit avec son fils de 16 ans dans un vieil appartement bourgeois 23 quai du commerce à Bruxelles. Chaque jour, elle effectue des gestes mécaniques avec une minutie d’orfèvre. La toilette et les cheveux à brosser, le déjeuner puis le diner à préparer, le courrier à poster, les courses à acheter, enfin un client à recevoir. Chaque après-midi, Jeanne se prostitue afin de renflouer son compte en banque. Inlassablement, le rituel recommence, Jeanne ne bouscule jamais l’ordre des choses établies. Jusqu’à ce qu’un frémissement dans le bas ventre et une onde de plaisir la traversent. La mère modèle, à un détail tarifé près, se révèle en tant que femme. Elle se découvre capable d’orgasme et de plaisir. Choc émotionnel. Sa métronomie intime explose avec violence.
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman sort en 1975, le journal. Le monde écrira qu’il s’agit du premier chef-d’œuvre au féminin de l’Histoire du cinéma. Jeanne Dielman évoque un grain de sable, par l’entremise du plaisir, qui enraye la machine parfaitement huilée de la maîtrise de soi au sein d’une famille monoparentale. Chantal Akerman expérimente une mise en scène réaliste, quasi documentaire, autour d’une gestuelle inscrite dans une temporalité qui s’étire au cours d’une journée. Ennui et torpeur inhérents aux gestes répétitifs d’une ménagère. Pendant 3h18mn, la réalisatrice saisit les mécanismes d’un corps voué à l’austérité de la domesticité. Les plans fixes s’étendent et se répètent ad libitum pour mieux pénétrer le quotidien d’une femme impénétrable en apparence. Par crainte d’une submersion de l’angoisse et des émotions, Jeanne Dielman s’accroche à sa routine. Elle offre son corps inerte au sexe dévitalisé. Rien de charnel chez elle. Jeanne, même nue, demeure habillée. En 2017, le personnage de Chantal Ackerman n’a pas pris une ride tant la libération du désir féminin constitue encore un sujet explosif et dangereux pour une société toujours trop patriarcale. Le cinéma moderne de la réalisatrice (disparue en octobre 2015) continue à nourrir le travail de nombreuses réalisatrices.
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