Rencontre avec les Terres Neuves de Jérôme Sevrette

Le photographe Jérôme Sevrette expose au Jardin Moderne jusqu’au 13 novembre, à l’occasion de la sortie d’une [Re]visions de son ouvrage Terres Neuves. Un concert gratuit aura lieu avec 3 artistes qui ont composé un morceau pour le livre-objet le samedi 15 octobre. Rencontre.

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■ Jérôme Sevrette, comment es-tu venu à la photographie ? 

Je suis arrivé à la photo par la musique et plus précisément par une certaine imagerie véhiculée par la musique, les pochettes de disques et les photos de groupes, les portraits de musiciens, de chanteurs dans les magazines rock des années 80-90.
C’est le point de départ de mon éducation visuelle et c’est ce qui a conditionné la suite de mes recherches photographiques. J’ai toujours trouvé qu’il y avait un lien très fort entre la photographie et la musique, cette association entre l’image et les ambiances sonores des groupes que j’écoutais à cette époque et que j’écoute toujours aujourd’hui. Ma vision de la photographie n’a pas changé.

« vos photos c’est de l’argentique ou du numérique ? »

Tu as abandonné l’argentique au profit du numérique et du Polaroid; aucun regret ? Qu’est-ce qui a motivé ce changement dans tes pratiques ?

Non aucun regret et je ne tiens pas à retomber dans les histoires de chapelles d’intégristes comme quoi l’argentique serait la seule vraie photographie et le numérique de la photographie bas de gamme… Oui il y a encore en 2016 des gens qui pensent de la sorte, j’ai même été confronté à un photographe, assez connu mais dont je tairai le nom qui ne voulait pas exposer à mes côté car il savait que je travaillais en numérique et ne voulait pas voir ses photographies (argentiques) à côté de photographies numériques. Un comportement un peu bête surtout que si on ne lui avait rien dit il n’aurait sans doute pas fait la différence.
On me pose souvent la question : « Vos photos c’est de l’argentique ou du numérique ? »
Et je réponds : « D’après vous ? »
Là souvent pas de réponse ou alors : « Y’a un beau grain, c’est forcément de l’argentique… »
Bref il serait temps d’en finir avec tout ça, l’important dans une photographie c’est qu’elle existe et suscite des émotions. Pour le reste on ne devrait plus se poser la question de savoir quel matériel on utilise ou quel procédé, pour ma part ce genre de questionnement ne m’intéresse plus.

Ma motivation pour passer de l’argentique au numérique a été le fait de pouvoir avoir un contrôle poussé sur tous les paramètres de mes images. La photographie numérique est un espace de création infini et c’était aussi pour moi la possibilité d’être plus réactif sur le terrain et dans mon post-traitement.

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■ Dans ton travail, beaucoup de clichés prennent place dans le milieu musical, que ce soit du live ou du portrait. Une préférence pour l’un des deux ? As-tu une anecdote amusante dont tu te rappellerais à ce sujet ? 


Difficile d’avoir une préférence dans mes rencontres musicales tant elles sont toutes uniques et ont toutes leurs petites histoires…
Mais je me rappelle d’un shooting avec le groupe And Also The Trees au parc du Thabor à Rennes, je photographiais le groupe quand une personne me voyant faire les photos est venue vers moi pour me demander si je voulais être pris en photo avec les musiciens. Je n’ai pas vraiment compris pourquoi elle me demandait ça, elle devait penser que si on photographie un groupe on est une sorte de « groupie » et donc on souhaite forcément à un moment apparaître sur les photos avec les artistes… mais ce n’est pas trop mon truc, donc je lui ai juste dit : « non merci ça va aller, je travaille là en fait ! »
Ça a bien fait marrer tout le groupe et Paul Hill, le batteur, (qui est aussi un très bon dessinateur) a d’ailleurs fait un dessin de la scène pour relater l’anecdote sur les réseaux sociaux.

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L’exposition au Jardin Moderne reprend Terres Neuves, paru en 2013 aux éditions de Juillet, et une nouvelle version; peux-tu nous parler de cette aventure ? L’exposition proposera-t-elle des inédits ? 


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Oui l’exposition au Jardin Moderne présente une sélection de photos présentes dans les 2 volumes.
Pour moi, même si elle se déploie sur 2 ouvrages et à 3 ans d’intervalle, la série Terres Neuves est un seul et même ensemble. Toutes les photographies de la série ont été réalisées dans le même temps et traitée de la même manière entre les années 2000 et 2010 et c’est en 2010 que j’ai décidé de les rassembler sous le titre Terres Neuves et d’imaginer l’ouvrage du même nom.
Terres Neuves aura été une aventure assez incroyable avec des très hauts, de beaux moments d’échanges, de partage et de rencontres, et des très bas, de très mauvais moments qui ont eu un impact sur moi et mon entourage proche. Bref, si c’était à refaire je le referai… mais différemment.

J’ai déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de Terres Neuves 3. Je vais donc m’attacher à une bonne promotion de ce 2d et dernier volume au travers d’expositions, de salons, rencontres, concerts, etc., et ensuite je passerai à autre chose.

L’exposition du Jardin Moderne propose en effet quelques photos que je n’avais encore jamais montrées et qui seront dans le second volume. Je laisse le soin aux visiteurs de l’exposition de les retrouver.

« Je voulais un objet avec de l’image, du son et de l’écrit »

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Le livre Terres Neuves est finalement un pont entre plusieurs disciplines (écriture, musique, photographie); abolir les frontières entre les domaines artistiques te paraît essentiel ? 


Abolir les frontières, oui c’était un peu l’idée mais je parlerais plus simplement d’un temps de partage créatif, d’un échange entre artistes.
Ce qui me paraissait essentiel, c’était surtout de sortir du cadre classique livre avec des pages qui se tournent. Je voulais un objet avec de l’image, du son et de l’écrit… et je souhaitais aussi qu’il puisse prendre place aussi bien dans une discothèque que dans une bibliothèque.
Pour ce qui est du contenu des cd des 2 volumes de Terres Neuves, j’ai recherché une diversité de styles allant du rock à la pop en passant par la new-wave, l’électro, la musique lyrique, l’ambient, la musique expérimentale, le jazz, la chanson française… en faisant appel à des artistes français et étrangers.
Rien que sur ce deuxième volume on peut retrouver des titres inédits de The Apartments, Franck Alba et Ricky Maymi (des groupes Piano Magic et The Brian Jonnestown Massacre), Brisa Roché, Renaud Gabriel Pion et Jennifers Charles (Elysian Fields), Ulan Bator, Richard Pinhas, Bruno Green, Tue-Loup, Filip Chrétien, Republik, Kramies, A Singer Must Die, Frantic & Robert Palmer et bien d’autres !

■ Pour fêter l’événement, un concert est organisé le 15 octobre avec Filip Chrétien, Colin Chloe et Republik; un mot sur ces artistes et ces choix de programmation ? 

Au-delà du fait que ce sont des amis et que ce sont 3 nouvelles têtes sur les cd de Terres Neuves [Re]Visions, ce sont de vrais auteurs et perfomers, je les ai tous déjà vus sur scène et je savais que les rassembler formerait un bel ensemble pour une soirée sous le signe de l’évasion, de la poésie et du rock.

Republik, non pas par Jérôme Sevrette, mais par Philippe Boulben

Republik, non pas par Jérôme Sevrette, mais par Philippe Boulben

Quel serait ton dernier coup de cœur culturel ? (livre, disque, film, spectacle, photographe !…)

Le dernier film de Sophie Blondy L’Étoile du jour avec Iggy Pop, Béatrice Dalle, Denis Lavant, Tchecky Karyo. J’ai eu la chance d’assister à l’avant-première du film à Landerneau en août dernier et j’ai été complétement emballé par l’ambiance, les personnages, le récit et la belle simplicité de cette œuvre poétique et onirique. Un film à voir et à revoir.
Sur le plan musical j’écoute toujours pas mal de choses en même temps mais en ce moment j’accroche bien sur les nouveaux albums de Radio Dept et de Still Corners.

Le site de Jérôme Sevrette

Exposition visible jusqu’au 13 novembre

Concert / sortie du livre [Re]visions le 15 octobre au Jardin Moderne – Gratuit

One comment

  1. Merci pour cette super interview, et la super photo de Jérôme ! J’ai pris beaucoup de plaisir à lire tout cela.

    « l’important dans une photographie c’est qu’elle existe et suscite des émotions. Pour le reste on ne devrait plus se poser la question de savoir quel matériel on utilise ou quel procédé »

    Cela me parle beaucoup ! Ayant moi-même un pied dans le graphisme et dans l’illustration, je constate également ce genre de réflexes qui consistent à penser que si c’est du numérique, ça ne peut pas être de l’art. Que rien ne remplace « la matière », et qu’à ce titre les pixels n’ont aucune valeur.

    Ce qui témoigne, au mieux, d’une étroitesse d’esprit dingue, au pire, d’un manque de sensibilité émotionnelle. Du moment qu’une œuvre nous fait réagir (même en mal, ai-je tendance à penser), c’est l’essentiel, non ?

    Je pense que le média est porteur de sens, et que toute évolution technique peut porter un message, justement. Un peu à l’instar de l’art moderne et de l’art contemporain, ruptures franches avec l’art décoratif. Ces évolutions ne sont pas des fins en soi, mais elles contribuent à faire évoluer l’art et à lui ouvrir de nouveaux horizons créatifs.

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