Strange Fruit, onde de choc

Inspiré par le poème « Strange fruit », popularisé par Billie Hollyday, le solo du jeune chorégraphe Emmanuel Eggermont de la compagnie l’Anthracite interroge notre rapport aux images et à la violence. Retour sur le spectacle donné dans le cadre du festival Agitato.

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Après avoir vu les photos du massacre de Thomas Ship et Abram Smith dans le sud des États-unis, l’enseignant juif Abel Meeropol fut tellement choqué qu’il n’en dormit pas pendant plusieurs nuits. Il composa le poème « Strange Fruit », qu’il mit en musique quelque temps après. Cette chanson dénonçant le racisme fut reprise par Billie Hollyday et connut un immense succès. Emmanuel Eggermont fait également référence au conflit italo-ottoman en Lybie (1911-1912) dont des archives, témoignages et photos ont été récemment retrouvés.

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stange fruitLe danseur évolue dans un espace dépouillé et blanc, de simples rectangles déposés au sol qui deviendront une sorte de tombeau. Sobrement vêtu, il incarne par sa danse intense et conceptuelle la réception que l’on peut avoir de la violence des images, faite de refus, de choc et d’une lente absorption qui nous transforme et nous fige peu à peu.

Avec des gestes précis il effectue un mouvement de salut, d’évitement ou d’escrime, comme une lutte délicate avec un ennemi invisible et intouchable. Son corps évolue avec une fluidité presque clinique dont la pureté met paradoxalement mal à l’aise par son impassibilité et une sorte de perfection glacée.

Sa chorégraphie nuancée est pleine d’une violence contenue qui se déploie peu à peu, ses gestes contrastant avec l’expression concentrée et impénétrable de son visage comme voulant se dédouaner de ce qui est en train de se passer. Le danseur semble agi par des forces extérieures et oppressantes.

Les images de guerre et d’exécutions ne sont pas montrées ni même illustrées, le chorégraphe s’intéresse plutôt à leur réception et à l’effroi qu’elles provoquent en nous. Ce rapport au tragique s’incarne dans la marche forcée où il semble s’embourber et s’enfoncer dans le sol de polystyrène tel une figure du refoulement. Ce solo fait d’élégance et de destruction nous emmène vers une réflexion intime sur toutes les formes de xénophobie.

Le site de la compagnie L’Anthracite

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