Peuplé dépeuplé, solo sauvage à Agitato

Dernière création de François Ben Aïm, le spectacle Peuplé dépeuplé faisait résonner son énergie vibrante dans le cadre du festival Agitato le jeudi 2 juin.

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Déambulant au milieu d’un dédale de 25 socles aux airs de sculpture minimale, le danseur nous fait partager son errance de cubes en cubes, tour à tour vacillant, cherchant son équilibre dans un jeu instable ou le corps se met en circulation, jouant avec l’espace et des transformations impromptues, apparitions inattendues qui laissent une place au doute et à une rêverie onirique. Le territoire géométrique se fait parcours initiatique et ce solo prend des airs de performance dans sa dimension la plus intensément corporelle. Les angles durs des stèles dessinent sur la scène des contours aigus et monolithiques contrastant avec l’agitation et l’équilibre bondissant et toujours prêt à se briser de François Ben Aïm.

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Le danseur est accompagné par un duo basse-batterie aux accents post-rock qui rythme la performance et donne un ton haletant et animal à ce solo très physique et presque brutal.

Le corps se perd dans cette jungle minimale dans un jeu d’apparitions et de disparitions où le réel semble vaciller, soudain plongé dans une obscurité sobrement traversée de lueurs troublantes et poétiques. Le spectateur est immergé dans une expérience intense où la dimension physique de la danse prend tout son sens et son ampleur. La brutalité incarnée mais aussi le doute, la solitude et la rencontre avec le double sont mis en actes dans ce solo puissant.

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Le jeu des masques et des travestissements transforme cet espace impersonnel en un terrain de jeu (je) où les lignes épurées et géométriques évoquent une pluralité d’espaces, milieu urbain ou encore territoire mental halluciné. Cette scénographie sculpturale qui nous rappelle certaines œuvres de Donald Judd pour leur présence dépouillée permet au corps d’entamer son parcours, une trajectoire primitive, semée de failles et de ruptures, questionnant la capacité de résistance humaine face à l’épreuve et à la transformation.

La compagnie Christian et François Ben Aïm est la réunion des frères Ben Aïm qui ont connu un parcours indépendant d’interprètes en France et au Canada pour ensuite fonder leur propre compagnie. Leur duo se confronte à de nombreux projets de danse en perpétuelle évolution, tel le diptyque autour de l’œuvre de Bernard-Marie Koltès, Carcasses, un œil pour deux et En plein cœur. Ils puisent leur inspiration dans les photographies de Josef Koudelka, les tableaux de Hopper et les personnages de contes de fées…

­Dans le solo chorégraphique Peuplé, dépeuplé ils souhaitent mener une réflexion sur le deuil et le passage révélant les strates fragiles de l’être, le renoncement et la délivrance. Le corps du danseur porte par sa présence les étapes dramaturgiques de la pièce.

Le processus d’écriture des auteurs laisse le champ libre aux rêves et à l’hypnose, à la possibilité d’un surgissement non maîtrisé qui ne cherche pas à créer quelque chose mais plutôt à viser l’émergence d’une expérience par la médiation de la danse, sans récit ni appartenance en se jouant de nos certitudes.

Le site de la compagnie Christian et François Ben Aïm

 

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