Les éditions des Requins Marteaux rééditent le périple érotico-futuriste de Gazoline, égérie BD des 80′s dont on a pu suivre les aventures dans Métal Hurlant et L’Écho des Savanes.

Tout commence dans les années 80′s, durant l’émergence de la BD adulte avec le magazine Métal Hurlant où l’on pouvait lire les œuvres de Druillet, Moebius, Margerin et découvrir la BD francophone branchée fantastique et science-fiction de l’époque. Jano y publie avec son comparse Tramber les premières aventures de Kebra, le rat banlieusard. Les personnages sont dessinés dans un style animalier par Jano et les décors réalistes par Tramber. Kebra, le rat rock’n'roll évolue dans une banlieue dégueulasse habitée par des loubards violents et bordéliques. On s’y bagarre à la sortie des concerts de rock dans des MJC peraves et on y pratique le recel d’objets divers, armes ou mobylettes. Notre sympathique et foutraque héros s’y promène avec une certaine naïveté, comptant sur sa bonne étoile, prêt à saisir l’occasion. C’est dans la BD Le Zonard des étoiles où notre humanoïde à santiags prend le large en troquant sa mob contre un vaisseau spatial qu’apparaît pour la première fois Gazoline, à l’origine plutôt un personnage secondaire. Cousine de l’Américaine Tank Girl, notre martienne prend du galon et devient l’objet d’un spin-off où elle apparaît dans sa vie d’aventurière chevauchant sa mobylette volante (et intelligente) Scooby. Elle survole un paysage psychédélique au ciel rouge et strié de couleurs, le sol évoquant une savane martienne avec des cactus géants et des rochers rouges à points blancs nous rappelant une certaine Étoile Mystérieuse de Hergé.

Toujours sexy, elle attire la convoitise de tous les personnages masculins, une faune hétéroclite d’animaux dont son ennemi juré Zonal Duck, canard craignos et priapique, cousin trash du Donald de chez Disney… Dans l’univers désertique de Gazoline aux airs de Tatooine craspec, on baise, on se came et on se bagarre, en croisant des personnages improbables : dictateur hystérique, sorcier à côté de ses pompes, tribus d’extra-terrestres pratiquant le troc dans des marchés improbables… plus tout un tas de petits humanoïdes rigolos et bavards, une faune mignonne et souvent sournoise. Déjà pro du recyclage, Gazoline bricole un vaisseau avec un tas d’ordures ou, humaniste, sauve des petits personnages bleus de l’esclavage (qui se mettront d’ailleurs volontairement à son service, mais c’est une autre histoire…).

Malgré la description d’abus sexuels inter-espèces et de conflits meurtriers avec des extra-terrestres vindicatifs, Jano ne se départit jamais d’un style mignon et drôle, le tout dans un joyeux bordel cosmopolite. Les militaires et tous les représentants de la force ou de l’autorité sont impuissants et ridicules, la valeur travail n’étant pas encore parvenue jusqu’à la planète de Gazoline : « Hum, belle journée Scooby ! idéale pour méditer sur le vide et cultiver le non-faire… » « Tss… encore du pipeau zen ! » « Ouais, bon… » La présente édition regroupe l’album paru en 1989, Gazoline ou la planète rouge et quelques histoires courtes.

Gazoline – L’intégrale, par Jano, parue le 24 novembre 2015 éditions des Requins Marteaux, 96 pages, 25 euros.