Carnets de thèse : Université, ton univers impitoyable

Dans Carnets de Thèse, Tiphaine Rivière nous fait partager son expérience de chercheuse en littérature avec une ironie mordante. Issu du blog de l’auteure Le Bureau 14 de la Sorbonne, ce roman graphique aborde sous un angle sociologique le problème de la recherche en sciences humaines.

Jeune professeure de collège en ZEP, Jeanne rêve de mener une recherche universitaire stimulante qui lui permettrait de côtoyer l’élite intellectuelle. Quand elle reçoit un mail lui confirmant que son projet de thèse est accepté, bien que sans financement, elle exulte : c’est enfin l’idéal de la recherche en littérature qui lui semble proche. C’est donc avec passion qu’elle entame son travail sur « le motif labyrinthique dans la parabole de la loi du Procès de Kafka ».

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Pourtant une fois accueillie par une secrétaire revêche, l’ambiance se détériore légèrement :

« Vous êtes sûre de vouloir faire une thèse?…  60% des gens abandonnent leur thèse en littérature… Faut bien réfléchir… Faudra pas venir dire j’ai plus d’argent et j’ai perdu tous mes amis. »

Passé l’enthousiasme initial, sa thèse se transforme peu à peu en parcours du combattant : TD à la fac non payés, directeur de thèse inaccessible qui suite à ses mails insistants pour avoir son aval sur les « 23 pages de son plan » lui conseille laconiquement « la lecture exhaustive de Schopenhaueur et des ouvrages critiques s’y rapportant », notre héroïne perd peu à peu son dynamisme et sombre dans les doutes lancinants. Pour autant, l’auteure de cesse jamais de nous faire rire, notamment lorsqu’elle dépeint le choc des ego lors d’un colloque de littérature, ou encore l’incompréhension familiale devant le sens de ses recherches, sa nièce lui demandant tout de go lors d’un repas « Est-ce que c’est vrai que tu as arrêté d’être professeur de collège parce que tu refuses de grandir et de prendre tes responsabilités? Et que faire une thèse ça te permet de rester comme une enfant? ».

Le dessin en ligne claire est simple et efficace, soulignant les émotions des personnages, notamment les nombreux moments de stress comme lorsque Jeanne est représentée lors de sa conférence en nageuse crispée qui peine à reprendre son souffle, noyée dans les flots de son propre discours.

Tiphaine Rivière pointe avec justesse les contradictions d’un travail intellectuel à la fois très valorisé dans l’imaginaire social mais déconsidéré dans les faits, quand on sait que seuls 10% des doctorants de sciences humaines touchent une allocation de recherche.

https://lebureau14delasorbonne.wordpress.com/

Carnets de thèse – Un livre de 179 pages de Thiphaine Rivière paru le 20 mars 2015 – Éditions du Seuil

 

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