Saint Laurent de Bertrand Bonello : les sphères de la haute-couture, aussi inatteignables qu’irréelles (ou du moins aussi réelles que les publicités surfaites des magazines).
Un tableau d’Andy Warhol représentant le petit prodige de la mode. Un bouledogue français qui fait une overdose. Des paquets de cigarettes Peter Stuyvesant ou Camel pas encore défigurés par les avertissements du ministère de la Santé. Un tableau abstrait et géométrique de Piet Mondrian. Une boutique Yves Saint Laurent Rive Gauche rue de Tournon. Des mensurations admirables. Des toilettes hors du commun et des seins nus. L’odeur des terrasses de Marrakech, au sud d’Oran – où naquit Yves Saint Laurent (Gaspard Ulliel). Les nuits folles au Palace ou aux Bains-Douches. Les petites mains des couturières munies d’immenses paires de ciseaux à tissus. Un chef d’atelier efféminé, Monsieur Jean-Pierre, qui vérifie les cadences (Micha Lescot qu’on avait déjà fort apprécié dans Maestro de Léa Frazer). Des contrats mirobolants signés par Pierre Bergé (Jérémy Renier, qu’on reconnaît malgré sa fausse barbe). Yves Saint Laurent sortant – nu – d’un placard pour enlacer son amant et protecteur Pierre Bergé – nu. Une soirée gay avec, au centre de la pièce, un fauteuil de gynécologue aux étriers chromés. Une collection surannée de camées précieusement mis en valeur et un bouddha doré. Des serpents rampant sur un lit. Des défilés d’exception dans des lieux invraisemblables. Des aventures d’un soir derrière des buissons ou près des pissotières. Des acides sous la langue et du Chivas 12 ans d’âge. Des hommages plus ou moins appuyés au Creedence Clearwater Revival, à Henri Matisse, Marcel Proust ou à Sylvie Vartan… Des millions et du champagne qui coulent à flot. Des petites pilules de toutes les couleurs pour tenir le coup. Des femmes gracieuses et un vieux dandy solitaire… Résumer des pans entiers d’une vie est un exercice ardu. Ce biopic-ci, empilant épisodes sordides et moments tournés vers le sublime, peine malgré les efforts déployés à embarquer le spectateur.
Yves (Gaspard Ulliel) collectionneur de camées, dans son 850 m² parisien.
Saint Laurent : un long clip de 2h15 qui donne envie de porter de belles chemises ouvertes et des ceinturons colorés au-dessus de pantalons pattes d’éph’ à l’élégant tomber.