Maps to the stars : du cinéma dérangeant portraiturant des gens dérangés.
La sélection cannoise fait décidément dans le film pas très drôle. Avec ce Cronenberg, on frôle d’ailleurs le glauque, pour ne pas dire le bad-trip. Tous les personnages sont cinglés, à divers degrés ; on s’en aperçoit au fur et à mesure. Benjie (Evan Bird), l’acteur de 13 ans, est d’une arrogance princière. Son père (John Cusack) est un guru d’un cynisme odieux qui voit la vie à travers le filtre du succès que ses livres pourraient lui apporter. Sa mère (Olivia Williams) est une femme d’affaire qui gère les millions que son fils est susceptible de rapporter. Agatha (Mia Wasikowska), la sœur de Benjie, quant à elle, est schizophrène avérée et pyromane repentie. Elle sort d’un asile de Floride et revient sur la côte Ouest, d’où elle fut bannie après avoir incendié la maison familiale. À la limite, elle a le profil le moins dingue, car au moins sa folie a été diagnostiquée et elle en est consciente – et s’en excuse. Elle bosse chez Havana, une star (Julianne Moore) en proie à des fantômes (celui de sa mère, morte dans un incendie, qui elle-même était actrice et dont Havana rêve de jouer le rôle) qui turbine au Zoloft, au Xanax et à la vicodine et qui semble échappée tout droit d’un mauvais film porno… Évidemment, les névroses et autres joyeuses déviances de cette famille installée à Los Angeles ne surgissent pas du néant. Elles ont pour cause une histoire d’inceste, qui pollue un peu l’atmosphère… Dans cet environnement toxique, le réel devient insécure, et ce, d’autant plus que l’histoire se déroule dans cette Mecque du cinéma qu’est Hollywood, où le faux et les apparences, le clinquant et le pastiche, ont un statut de valeurs fondamentales. Dans ce bouillon culturel déjanté, il n’est donc pas étonnant que la folie prenne le pas sur la raison, que les hallucinations soient une partie intégrante du quotidien et que les conséquences en soient un déséquilibre permanent entre les êtres. Cronenberg, en mêlant le tangible et les apparitions que voient cette auguste brochette de tarés, parvient ainsi à distiller une ambiance quasi fantastique assez réussie. Les fantômes entrevus et les voix entendues sont le signe du basculement dans un irréel tragique et sans issue – une espèce d’enfer, donc, saisi en plein vol sous le soleil de la Californie.