Romain Baudoin, 1primate à la vielle

Nouvel album pour Artus, tournée solo pour son spectacle 1primate, Romain Baudoin enchaine les projets et jouera prochainement à Rennes pour deux dates. Questions réponses autour de son travail et de son instrument, une vielle à roue peu ordinaire.

■ Peux-tu nous raconter ton parcours musical, pour ceux qui ne te connaissent pas, de Artus à 1primate ?

romainbaudoin2Au départ je suis issu d’une famille de musiciens traditionnels gascons, mais c’est la guitare électrique qui est pourtant mon premier instrument avec le métal extrême puis le rock in opposition.

Quand j’avais une vingtaine d’année j’ai commencé la vielle et je me suis très rapidement mis à bosser vraiment dur pour en faire mon métier. En parallèle de ça on a monté Artus, il y a maintenant 13 ans, pour développer une musique radicale (enracinée, directe, non conciliante) autour du patrimoine culturel immatériel gascon, basé sur l’expérimentation, l’engagement, la technique instrumentale, la recherche sonore, l’improvisation… et c’est devenu notre vie. On considère tous nos autres projets comme parallèle et liés à Artus, même en solo je reste un membre d’Artus. Artus a créé le label PAGANS, le studio PAGANS, la boite de prod HART BRUT et plein d’autres actions en local (pédagogie/concerts/bals/politique culturelle…) qui font qu’en restant soudé on arrive à vivre sur notre territoire, on parle d’alterlocalisme. « 1 Primate » c’est donc un solo mais porté par un collectif.

■ Tu joues sur une vielle à roue; d’une part c’est un instrument peu entendu par le public, mais ici elle a un double manche de guitare électrique; c’est quoi cette bestiole ?!

Oui c’est l’équivalent de la guitare double manche de Jimmy Page ! C’est un instrument chimérique, hybride vielle à roue électroacoustique alto et guitare électrique.
Je l’ai appelé le Torrom Borrom (« Chaos » en gascon) car au début je ne pouvais générer que des masses sonores sauvages et incontrôlables… puis j’ai progressivement trouvé des modes de jeux pour dompter « le monstre » et c’est ce qui figure sur ce premier album. Chaque pièce correspond à une technique instrumentale particulière qui m’a amené du bruit vers la musique.Tout est fait en temps réel, en live, sans overdub ni looper, c’est assez dingue à faire mais aussi très gratifiant quand le cavalier et sa monture sont en forme.

romainbaudoin

■ Pourquoi ce nom 1primate ? Cela a t il un rapport avec le côté « mystique/sauvage/ancestral » de tes sonorités ?

Oui en partie, ce terme est fort, radical ! C’est aussi une référence à un texte qui m’a longtemps hanté, écrit en 1849 par un voyageur qui traversa les landes, Gabriel Bouyn :

« Complètement dépourvu d’intelligence, passé par ses fonctions à l’état de brute,
le Landais représente probablement l’intermédiaire tant recherché de l’homme et du singe.
Sa constitution physique tient du crétinisme. On peut en trouver les causes dans la perversité de ses mœurs,
qu’on ne pourrait trouver plus abominable en aucun pays ni en aucun temps. »

De plus, nous sommes tous des primates et je suis seul d’où le « 1 PRIMATE ».

■ Dans l’ensemble de ton travail, on entend autant de courants traditionnels que de musiques contemporaines. Quelles ont été, ou sont, tes influences musicales ?

Elles sont immenses, conscientes et inconscientes, difficile d’en extraire comme ça. Je suis un musicien de l’oralité et pour moi la mélomanie est fondamentale pour me construire.Ceci dit, je ne suis pas hyper open, je n’écoute pas de tout et je suis plutôt exigent et centré sur certaines esthétiques. Je considère que je n’ai pas assez d’une vie pour approfondir ce qui me touche déjà, que par conséquent je ne pourrais pas tout connaitre en détail, que le superficiel m’ennuyant je préfère me concentrer sur certaines esthétiques sans chercher spontanément a en découvrir d’autres. C’est un peu le débat sans fin du singulier contre l’universel…Pour aller vite et schématiser, je peux te donner quelques esthétiques qui en général me parlent avec un groupe référence pour l’illustration :

Rock in opposition : King Crimson
Math core : Meshuggah
Acousmatique : Luc Frerrari
Improvisation/expérimentation : Paolo Angeli
Musique spectrale : Horatiu Radulescu
Musique roots : Les poufs à corde

■ Pour le dernier Artus l’album est basé sur le travail poétique de Manciet; la lecture est une forme d’inspiration supplémentaire à la composition, est ce qu’il y en a pour 1primate ?

Je compose à partir d’improvisation, qui sont le moteur créatif de toutes les musiques orales, que je retravaille et que je fixe ensuite. Cette pratique est évidemment grandement tributaire de mon état d’esprit du moment. Je ne suis pas un grand lecteur et en général je lis des livres scientifiques ou politiques, mais ils ont une grande influence sur ma conception philosophique du monde et donc j’imagine que cela doit se ressentir d’une manière ou d’une autre dans ma musique.

« (..) continuer les échanges de l’arc atlantique »

■ Pour les Embellies ainsi que d’autres dates, tu joues en Bretagne; c’est une région que tu connais notamment par ton travail avec Lors Landat. Comment s’est faite cette collaboration ?

Je connais Lors depuis plus de 10 ans, on l’avait rencontré en Galice lors d’une tournée avec Artus, il jouait à l’époque dans Arsa et on est resté de super potes depuis.

On joue actuellement dans Feiz Noz Moc’h, groupe de bals gasco-breton, avec Matèu mon cousin, aussi membre d’Artus et Roland Conq, grand guitariste breton. C’est Bhyper cool de se retrouver de temps en temps pour jouer en bretagne ou ailleurs. Je suis très attaché à la bretagne que je commence à bien connaitre et qui est un peu ma deuxième terre d’accueil.

Cette expérience t’a prouvé la possibilité des échanges entre la Bretagne et le Béarn (points communs sur la défense de la langue, de la « conservation d’instruments traditionnels » renouvelés..) est-ce que tu as des envies par rapport à ça ?

J’ai aussi joué dans un bigband « le choc des électrons libres » avec Artus et les Nioubardophones (free jazz breton). C’était un projet de Francis Mousnier qui avait monté « l’occidentale de fanfare » et qui connaissant les deux groupes s’était dit que la collision serait violente… il ne s’était pas trompé. C’était énorme et bien violent. On sort un double vinyle de cette expérience sur le label PAGANS d’ici quelques mois. J’ai donc pas mal de potes zicos en bretagne de divers milieux musicaux et je pense que je serais amené à continuer les échanges de l’arc atlantique. D’ailleurs avec Feiz Noz Moc’h on va travailler cette année sur une nouvelle création, du concert cette fois-ci.

■ Quels sont tes projets après ta venue à Rennes ?

1primateJe dois bosser sur un nouvel album solo au Torrom Borrom car j’ai une commande du label « In situ » pour dans un an. On a pas mal de date cette année avec Artus car on défend notre nouvel album. Je dois aussi travailler sur une nouvelle création avec Valentin Clastrier, qui est mon maitre à la vielle.

■ Ton dernier coup de cœur musical ?

Justement, un breton qui m’a scotché le week-end dernier. Il fait du kan a diskan, du hip hop en breton et du human beatbox, il s’appelle Krismenn. Il joue en Fest Noz avec un autre monstre du beatbox, Alem, qui est juste immense!!! C’est impossible de décrire leur pratique, il faut la vivre pour le croire… Le hip hop c’est pas ma came en général, mais là c’est tellement maitrisé et engagé que tu restes sur le cul. C’est en même temps ultra enraciné et tellement universel que ça transcende les genres et les esthétiques. Les mecs arrivent avec deux micros et ils retournent la salle, c’est génial, bravo.

1primate – Sortie d’album le 27 mars

En concert pour Les Embellies le 27 mars au Jardin Moderne

le 30 mars à l’Antipode

Le site de Pagans

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