The Grand Budapest Hotel, nous avions fait l’éloge de Wes Anderson à l’Imprimerie, nous avons grandement eu raison : un Wes Anderson comme on les aime, avec quelques touches de nouveautés.
Souvenez-vous (ici) nous avions annoncé avec grand empressement le nouveau film de Wes Anderson, nous l’avons vu, nous en parlons donc.
L’intrigue favorite de Wes Anderson se trouve dans le traitement des relations humaines, aussi insolites soient-elles, allant de l’amitié, de l’amour (très) fraternel, à l’amour de tout âge. Pour The Grand Budapest Hotel, il s’agit de l’amour d’un homme pour un passé révolu, l’amour pour la grandeur d’une institution, l’amour des Arts, et surtout l’amour paternel d’un maître d’hôtel qui se retrouve dans le jeune lobby-boy qui devient alors son protégé. Le tout fondu dans une affaire de meurtre, de vol, et d’évasion.
Les amoureux de Wes Anderson ne seront pas déçus, l’esthétique de Wes est probablement à son comble ici, peut-être parfois poussée au point d’effleurer l’auto-caricature. On retrouve toute la palette d’acteurs dont Wes Anderson s’entoure habituellement (avec quelques nouveaux, notamment les deux petits jeunes Saoirse (à prononcer Sircheuh) Ronan et Tony Revolori ; et la crème de la crème française, Léa Seydoux et Mathieu Amalric). Il est tellement plaisant de voir autant de grands acteurs dans des rôles secondaires – voire tertiaires – avec cette même force d’expression ; chaque personnage représente un type, à la fois traditionnel et original : le dandy propret à tendance violente et langage grossier, la douce et pure jeune fille balafrée, ou encore le vampire tueur à gage. Les costumes sont, comme toujours, un plaisir pour les yeux, hauts en couleurs, qui s’accordent et jurent en même temps avec le pittoresque des décors. Wes Anderson a quitté la nature verdoyante de Moonrise Kingdom vers l’association de couleurs criardes, reflétant le caractère extra-ordinaire des personnages. Le personnage de Gustav, finement excentrique, est un régal pour l’imaginaire : homme délicat, dandy parfumé à L’air de Panache, grand amateur de riches dames âgées blondes, qui sait garder son calme jusqu’à un certain point, qui prend le temps de reconnaître la valeur des gens, peu importe l’urgence du moment. C’est d’ailleurs lui, Mr Gustav, le pilier du film, c’est en lui que réside toute la force esthétique de Wes.
Un univers entre le merveilleux, le fantastique et le roman d’aventures. L’image reste fidèle à cet esthétique qui semble être la sienne depuis The Royal Tenenbaums : une image parfaite, rectiligne, avec une organisation triangulaire sur trois niveaux de profondeur. Chaque plan est travaillé avec soin, style et goût. On retrouve aussi ce rythme saccadé, entre images figées et mouvement furtifs, brusques, qui fait la dynamique des films du cinéaste. Wes réutilise les décors en papiers peints, artisanaux qui font évidemment penser à The Fantastic Mr Fox. Une grande créativité, comme à chaque fois, la magie du réalisateur opère. On se laisse emporter dans l’aventure, transporter de décors en décors, de couleurs criardes aux couleurs pastel.
Où est le « mais » ? sans doute une impression de « pas assez », ça cavale, tout va très vite, peut-être un peu trop vite. Une légère frustration aussi de voir si peu à l’écran ces grands acteurs qui autrefois étaient les personnages principaux de Wes Anderson : Bill Murray, Owen Wilson, Jason Schawrtzman, Adrien Brody, Tilda Swinton, sont bien trop vite expédiés. Peut-être trop de personnages et pas assez de « temps d’antenne » pour chacun. Une impression de survol : les personnages sont tellement typés et singularisés qu’on aurait aimé les voir un peu mieux exploités.
The Grand Budapest Hotel surprend. Il est en effet bien différent de ses frères, trois aspects le distinguent : les « fuck », la fellation, et les membres découpés. Le style de Wes est un cinéma propret, courtois et bienséant, à l’image de l’organisation nette de ses plans. Or ici, Wes Anderson nous livre des personnages qui jurent, parfois par usure à la courtoisie, ou par simple nature. Sans doute le film du réalisateur le plus osé au niveau du langage. Ensuite, dans le cinéma de Wes Anderson, l’intimité sexuelle n’est pas représentée, or ici, le réalisateur nous offre, aussi furtive soit-elle, une scène de fellation. Grande nouveauté chez le réalisateur, qui semble céder un tantinet à la provocation, une manière de légèrement se différencier de ses œuvres précédentes. La scène garde tout de même un ancrage dans son esthétique par l’insolite des personnages impliqués, soit M. Gustav, le maître d’hotel et une septa- ou octogénaire. Et enfin, si quelques gouttes de sang d’un genou écorché avaient coulé dans Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel en comparaison à toute son œuvre, est un festival sanglant, à base de têtes décapitées, de carnage à coup de rasoir, de doigts tranchés. Le meurtre y est facile (la période de guerre aidant).
Peut-être faut-il mettre ces nouveautés, aux allures provocatrices, sur le compte de la faiblesse de l’intrigue : Wes nous a habitués à mieux. Reste tout de même un grand Wes Anderson, il avait mis la barre tellement haute avec Moonrise Kingdom que l’on ne peut vraiment rien lui reprocher.
En Bonus : un Blow-Up de Arte à l’honneur de la musique des films de Wes Anderson :