En croisant Merlin, Mandragore et Xavier Lesèche

A l’occasion de la sortie du livre disque Merlin en Brocéliande, le conteur Xavier Lesèche et la harpiste Mandragore ont donné une petite représentation à la boutique Harmonia Mundi de Rennes. Présentation du livre incluant histoires, informations concrètes, photographies anciennes et illustrations sur ces lieux de légende, en quelques questions.

Xavier et Mandragore bonjour; d’où est partie l’initiative de ce livre ? Quel est son but et son originalité ?

Xavier : ce projet voit le jour après vingt ans de guidage en Brocéliande, de rencontre de divers groupes et de leurs attentes, de discussions avec les visiteurs et les locaux. En effet, beaucoup de gens s’en venant la tête pleine de rêves s’en repartent déçus ;  ne connaissant pas les récits ( ou ne prenant pas le temps ), ils font juste le tour en voiture des sites  » légendaires  » qui n’ont rien de spectaculaires… Ce sont justement les récits, les contes et la richesse historique de cette terre, la part qu’ils ont pris au cours des siècles dans la culture et les enjeux de pouvoirs, qui révèlent ou réveillent la magie d’une promenade sur ces terres. D’autant qu’on sent bien qu’ils émanent d’un fond ancien et profond où l’écrit n’avait pas son mot à dire, sentiment résonnant dans cette nature forestière qui nous semble également la dernière enclave d’une vie « sauvage ». D’où l’idée d’un guide illustré que les gens pourraient balader avec eux pour lire sur site ou commenter à leurs amis ou parents, avec un récit vivant de notre Merlin sur disque à écouter à demeure ou même dans la voiture, pouvait être une des clefs pour leur ouvrir cette porte vers les faits et les fées. C’est évidemment la complicité avec Mandra et la diversité de ces talents tant musicaux que graphiques, qui a permis à cette idée d’un livre-cédé réalisé à deux puissent voir le jour. Nous avons présenté le projet aux instances locales et obtenu le soutien du Groupe d’Action Locale du Pays de Brocéliande, de la communauté de commune et de l’office de tourisme qui nous ont permis d’obtenir des fonds européens Leader + pour faire une résidence à l’automne 2006 et enregistrer le cédé au printemps 2007. Pour eux, il est lié à une démarche plus vaste pour mieux accueillir et informer les visiteurs qui aboutit à l’ouverture de  » la Porte des Secrets  » à Paimpont le 15 septembre prochain. (voir l’article du Mensuel à ce sujet) Sortant 25 ans pile poil après mon premier guidage en Brocéliande, c’est aussi pour moi comme un aboutissement de ce qu’un hasard heureux a fait de ma vie tant professionnelle que personnelle.

Mandragore, tu joues de la harpe, tu illustres également l’ouvrage; ça doit demander pas mal de temps ! D’où vient ton inspiration, quelles sont tes influences ?

J’ai choisi la harpe pour accompagner ma voix étant avant tout chanteuse: je n’étais pas douée en guitare et m’étant installée en Bretagne, j’ai croisé la harpe celtique. Lorsque j’accompagne des conteurs, j’essaye de m’adapter un maximum à leur univers, pour ce spectacle, le son est assez celtique pour plus de cohérence avec le texte, mais j’ai aussi un répertoire indépendant plutôt world et chanson française. Mes influences musicales sont diverses : beaucoup de musiques du monde (turques, grecques, balkans…), de la chanson (Dick Annegarn, Kate Bush…) mais j’écoute aussi beaucoup de fusion (Hadouk Trio, Ross Daly) , du Jazz (bebop, vocal) et du Rock’n Roll (Magma, Zappa etc…). En chant harpe, je dois quand-même citer Elisa Vellia qui a été ma prof un bon moment, et Joana Newsom dont j’aime bien l’univers.
Pareil pour l’illustration: pour le travail sur Merlin, j’ai essayé de m’adapter le plus possible, de ne pas tomber dans le déjà vu tout en contentant le public. Je suis habituellement auteure de BD, je travaille beaucoup en noir et blanc avec un graphisme assez différent de ce qu’on trouve dans Merlin en Brocéliande. Cette adaptation n’est pas vécue comme un compromis, elle me permet de sortir de mon univers habituel et d’explorer un autre graphisme et un autre public. Mes influences graphiques, j’ai du mal à les cerner moi-même! J’ai un goût certain pour la peinture et l’illustration symboliste et décadente (Félicien Rops, Félix Valloton, Lautrec) mais je doute que cela transparaisse dans ce travail précis. On est ici plus proche ici du carnet de voyage, de l’enluminure médiévale ou bien du style préraphaélite.

Xavier, tu écris tes contes ? Comment travailles-tu pour cette rédaction qui devient ensuite orale ?

Là tu te trompes sur la démarche du conteur. En fait, c’est tout le contraire : il ne s’agit pas de lire ou réciter mais de dire. C’est l’expérience répétée durant des années des guidages en forêt, puis des spectacles qui ont constitué l’écriture  » orale » de ces récits. Ce n’est qu’en 2007, pour l’enregistrement du cédé, que j’ai du les coucher sur le papier. S’ils sont maintenant quasi dits  à la virgule près, ils gardent une part de liberté dans les rythmes et les tonalités, l’interprétation et les voix des personnages. Le conteur n’est pas un acteur qui dit ou lit un texte. Il est à la fois lui même face au public, le narrateur qui guide les auditeurs dans la trame du récit, et parfois le/les personnages qui rendent vivants et présents l’histoire ou le conte. Il est vrai cependant que les récits arthuriens, si littéraires, insufflent une attention particulière à la richesse du vocabulaire, à une stylistique tendant vers le médiéval, la rime ou le rural. Tout cela s’est fait peu à peu, nourri par les lectures des textes tant anciens que modernes, et essentiellement en direct devant le public. La réflexion personnelle ou le travail de répétition s’attachent plus à l’organisation, les passages et la cohérences des récits entre eux, et à ce que va y apporter la voix chantée et la harpe.

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Justement, comment s’est déroulée la mise en musique des textes ?

Mandragore : Très simplement. Lorsque nous ressentions que le texte avait besoin d’être soutenu, nous avons ajouté des ambiances sonores. Les chansons ajoutées entre les contes ont été choisies dans le répertoire celtique pour la plupart : irlandais, breton ou médiéval en cohérence avec le thème. Il y a parfois des compositions comme « Merlin and the Gleam » qui est l’adaptation d’un poème du poète romantique Alfred Tennyson et puis, lorsque l’univers devient féérique, des emprunts à d’autres cultures, notamment orientales. Une large place est faite à l’improvisation.

Xavier : Mandra l’a très bien exprimé. Depuis près de 15 ans, que nous créons des moments contés-chantés-harpés, le spectacle que l’on jouait devant tout public depuis un moment, la confiance et la complicité ont suffi à créé une belle cohérence.

« La forêt permet des « décrochages temporels », le temps d’un sentier. »

Pensez-vous que Brocéliande a toujours le même côté fascinant pour les gens ?

Xavier : bien évidemment. Il suffit de voir toutes les adaptations livresques, ciné ou TV, sans parler de la Bédé qui puisent à cette matière de Bretagne. L’influence des jeux de rôles, des fêtes et costumes médiévaux, de l’adaptation réussie du Seigneur des Anneaux ou même d’un Harry Potter révèlent l’importance de cette source intarissable de l’imaginaire. A Brocéliande, c’est la Fontaine de Barenton, la nature environnante, les traces ou le brame du cerf… Tu ne peux te promener en forêt, même en plein hiver, sans croiser quelques promeneurs : des rencontres parfois singulières : le soleil et la lune sur échasses dans les chemin de Folle Pensée, un guerrier impressionnant sur les crêtes du val, Jean Markale en Merlin vivant contant sur le perron, un homme en robe de bure se cachant près du tombeau de Merlin, un sonneur solitaire, des chasseurs. La forêt permet des « décrochages temporels », le temps d’un sentier.

Mandragore : ça c’est certain, il suffit de se balader à Paimpont pour rencontrer des rêveurs du monde entier. Je suis la première étonnée de l’intérêt sans cesse renouvelé du public pour les mythes arthuriens, le thème ayant tellement été revisité !

Avez- vous pu rencontrer Merlin ? Si oui, que vous a-t-il dit ?

Xavier : Merlin ? Plusieurs fois sans doute, enfin si avec doute : cet écureuil farceur qui me jetait des pommes de pins à Barenton avec qui j’ai fait une partie de cache-cache ? Ce vieux merle qui me visitait chaque jour lors de la rédaction du livre et qui a depuis disparu ? En fait, j’ai mieux connu sa mère mais il ne serait courtois de te dire ce qu’elle me susurrait à  l’oreille.

Mandragore : Oui oui, moi je l’ai rencontré, il boit souvent des coups au café à Paimpont, mais comme il aime la discrétion, il s’est rasé la barbe et se fait appeler Roger.

Merlin en Brocéliande, un livre cd de 108 pages édité chez Terre de Brume. Retrouvez l’ouvrage dans votre librairie favorite.

One comment

  1. Alain Schütz-Müller /

    Bonjour ,

    J’ ai écouté l’ autre jour en concert la Harpiste & chnateuse MANDRAGORE nous chanter en accompagnant de sa Harpe sa très inspirée version du fameux poëme de Tennyson  » MERLIN AND THE GLEAM  » , et pour un mélomane exigeant comme moi ça a constitué un moment de Musique inoubliable : je crois que j’ ai été ensorcelé , envoûté par cette voix et cette harpe de Mandragore !!

    Voici quelques sitesweb :
    http://www.myspace.com/mandragoreharpiste .

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