Entre créatures grotesques et jeux de mots burlesques, Rita Mercedes signe un roman graphique qui ne laissera personne indifférent. Les Incrustacés, bande dessinée parue en 2013 chez l’Association.
L’aventure débute tranquillement : deux amis partent en vacances aux Comités, une station balnéaire somme toute assez banale où s’entremêlent les innombrables parasols sur la plage, les hôtels chics et les familles bruyantes. Le premier des deux, M, souhaite venir faire des rencontres, tandis que le second, plus contemplatif et solitaire préfère s’isoler dans des trous qu’il creuse lui-même afin d’échapper à l’agitation des jeux sportifs organisés sur la plage. Mais l’épopée des Incrustacés débute véritablement lorsque M, qui ne tient plus en place, revient avec l’idée de partir naviguer. Subtilisant un bateau, après en avoir assommé le capitaine, les deux hommes s’embarquent sur la mer intrépide, à la recherche de divertissement et d’aventures à pouvoir raconter.
Prenant la forme d’un journal de bord tenu par le plus timide des deux, la tonalité de l’aventure semble se faire de plus en plus burlesque à mesure que le bateau s’éloigne de la station balnéaire. Les ennuyeux vacanciers des Comités cèdent alors leur place à des figures bien plus étranges, comme ces sirènes tout droit sorties de l’Odyssée d’Homère, ou encore ces étranges peuplades exotiques et ces inquiétantes créatures des fonds marins.
Le voyage et ses escales deviennent le terrain de jeux idéal pour cette succession d’événements sans queue ni tête. Entre démesure des situations et théâtralité des personnages, le récit des Incrustacés parvient à effleurer les phénomènes étranges et inconscients que sont les mécanismes des rêves et projette le lecteur loin de toute réalité.
Le style de ce roman graphique se déploie sous nos yeux, plus fascinant et fourmillant à mesure que progresse l’histoire des personnages. Telles des gravures, composées d’une multitude de traits, les images qui accompagnent le texte tout en jeux de langage burlesques, se détachent de la simple fonction de l’illustrer. Les multiples hachures s’entremêlent et se démêlent au rythme de l’imagination débordante du narrateur, engendrant par la même occasion l’univers onirique et les chimères qui peuplent le récit.
Et tandis que la dernière page se referme, les aventures des Incrustacés, à la fois drôles et inquiétantes, laissent délicieusement planer l’incertitude.