L’Arbre du Prince – Torgny Lindgren

Malgré qu’August Strindberg ait été remis à l’honneur sur scène avec Juliette Binoche en Mademoiselle Julie et que certains dévorent les policiers d’Henning Mankell, la littérature suédoise est plutôt méconnue. Et c’est fort dommage, car nous raterions Torgny Lindgren, un auteur pétri de culture européenne et de références artistiques. Découverte de l’un de ses ouvrages, L’arbre du Prince.

L’arbre du Prince est un recueil de dix nouvelles qui traitent de l’acte de création artistique tout en y mêlant des histoires simples, rurales ou sociales. Toile de fond historique, relations entre collègues ou atmosphère de village, l’auteur utilise des décors relativement communs pour y entremêler l’univers des artistes, comme celui de Gustav Mahler dans la première nouvelle, ou de Thomas Mann. Grand auteur allemand à qui il voue une grande admiration qui se retrouve au fil des pages, et largement évoquée dans une nouvelle qui traite des funérailles de l’écrivain. Torgny Lindgren ne passe pas par les chemins conventionnels pour parler de ceux qu’ils l’ont influencé ou qu’il a apprécié; il préfère parler des douleurs du bras droit d’un peintre ou de sa connaissance de la religion par le récit de l’apocalypse qui lui est contée lors d’un alitement.Le tout émaillé de références variées qui vont de la Sonate à Kreutzer de Beethoven à Miguel de Cervantès.

L’Arbre du Prince n’est pas un recueil facile à lire; il s’agit d’avoir à portée de main un dictionnaire pour consulter les nombreuses références dont il traite, et surtout il serait plus abordable avec une petite maîtrise de l’allemand. En effet, nombre de lieux et de plats culinaires sont dans cette langue, et il faut passer outre l’absence de traduction d’une citation de Heinrich Heine; l’éditeur ne s’étant pas donné cette peine, là voici :

Die alten bösen Lieder …
Les vielles chansons méchantes
Les mauvaises rêves et cauchemars
on va les enterrer enfin
cherchez un grand cercueil …
Passé ces aléas de compréhension, il est possible d’apprécier pleinement le talent de Lindgren à s’interroger sur les moteurs et les frustrations des peintres ou des auteurs. Et constater notre connaissance lacunaire de la littérature allemande, de la Bible et de tout ce qui constitue un puits sans fond de culture européenne. Mais il est possible de s’amuser grâce à ses récits sur le ton du conte, et c’est ça qui fait la force de l’écriture de cet auteur suédois; mêler l’Art avec un grand A, ses problématiques métaphysiques, à des constats techniques et des anecdotes totalement concrètes. L’Arbre du prince passionnera alors les amateurs d’art, et ceux qui veulent en savoir un peu plus. Quant à la dernière nouvelle qui parle du musée du prince Eugene de Suède, elle nous conte l’histoire d’Herman Anderson, peintre et photographe qui travailla avec Strindberg que nous citions au début de cet article. La boucle est bouclée.

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