Dans le cadre de la 13ème édition du festival Yaouank le 16 novembre 2011, le groupe Skaramaka jouait en première partie des Frères Plantec version trio (même que c’est très bien mais ce n’est pas le sujet !), et a dévoilé sur la petite scène du Dejazey la facette électrique de ses compositions. Un rock rudement envoyé mais adouci par les notes de harpe celtique et de uilleann pipes (cornemuse irlandaise).
Expliquant le nom du groupe qui est celui d’un clown triste, ou insistant sur la défense de la langue bretonne, la chanteuse Clervie Verveur nous a emmené de ballades apaisantes en terrains plus énergiques. Savant mélange de lignes de basse et de harpe en pointillés, accords électriques, Skaramaka inscrit donc sa démarche dans la continuité des groupes qui défendent les musiques traditionnelles tout en l’inscrivant dans un genre musical résolument contemporain.
Tristan (batterie) et Yoann (uillean pipes) ont répondu à quelques questions pour que nous en sachions un peu plus sur leur démarche.
Skaramaka, vous avez joué dans le cadre du festival Yaouank; était-ce la première fois et comment s’est déroulée cette prestation ?
Tristan : Pour tout te dire c’était un peu la première fois même si Skaramaka a déjà joué dans le cadre du festival Yaouank en 2008, mais c’était au début de Skaramaka où la c’était entièrement acoustique, avec Clervie (chant), Yoann (uilleann pipe), Mael (harpe celtique), Martin (bouzouki) et avec Segal (cajon) qui n’est plus dans le groupe maintenant. À l’époque, Dylan (contrebasse) et moi (percussions) n’étions pas dans le groupe. Et pour cette année 2011, on a joué avec la nouvelle formule électrique, où tous les instruments de la section rythmique s’électrifient. En fait, le bouzouki devient guitare électrique, la harpe celtique devient harpe électrique, la contrebasse devient basse fretless, et les percussions deviennent une batterie.
Le concert s’est super bien passé au Dejazey, on est content de notre set, il commence à être de plus en plus homogène. En plus y’avait plein de monde (tu me diras au Dejazey c’est pas difficile pour que ce soit plein !).
- Pouvez-vous nous présenter le groupe avec un bref historique, vos instruments, votre démarche ?
Tristan : J’ai pris un peu d’avance sur la question héhé ! Skaramaka s’est formé en 2008 à l’occasion d’un tremplin pour la création musicale en langue bretonne. L’idée de Mael et Yoann était d’écrire leurs propres textes et de les arranger à leur sauce, sans se poser de contraintes de style ou de frontière dans les influences. Avec Martin et Segal, ils étaient quatre musiciens à accompagner Clervie et déjà le métissage était présent, chacun apportant son univers propre. Après le départ de Segal et la rencontre avec Dylan et moi-même, la direction a continué à s’affiner, avec toujours en tête l’esprit de faire une belle musique de concert, simple à écouter, pas toujours autant à jouer ! Et sur des paroles en breton.
- Comment définiriez-vous votre style musical et quelles sont vos influences principales pour la composition ?
Tristan : Et bien on se pose pas mal la question sur notre style musical, ce qui est sûr, c’est qu’on ne veut pas de l’étiquette Rock Celtique parce qu’elle a une identité musicale maintenant qu’on n’aime pas du tout. Alors on a pensé à Celtique Prog, parce que c’est vrai que nos envies musicales sont beaucoup liés à la musique progressive, expérimentale, tout en restant dans le son Rock, et inspiré de nos racines celtes.
Nos influences pour composer, elles sont très variées, personne n’écoute les mêmes chose dans le groupe. C’est peut-être pour ça que notre musique est un peu dure à coller dans un style musical. Un artiste que tout le monde aime bien, c’est Avishaï Cohen, son travail est très varié selon ses opus, mais son évolution est toujours un plaisir à écouter. Je pense aussi à Sigùr Rös que beaucoup d’entre nous aiment… On écoute vraiment de tout, et aussi tout ce qui se fait en musique bretonne et en musique trad du monde bien évidemment.
- Lors du concert vous avez évoqué la défense de la langue bretonne; quel est votre point de vue sur la défense du folklore breton par rapport à d’autres régions de France (il me semble plus engagé ici !) et avez-vous l’impression, par le biais de votre groupe, de contribuer au renouveau des musiques traditionnelles ?
Yoann : Tout d’abord, on ne fait pas de folklore car la moitié du groupe est bretonnante et l’utilise dans la vie de tous les jours (voire dans la vie professionnelle). Ce que nous défendons c’est ce droit de s’exprimer dans un autre langue qui peine malheureusement à se faire reconnaître comme telle. C’est également une envie de faire évoluer notre musique en parallèle avec la langue bretonne pour illustrer une pensée double: la langue bretonne, nous a permis de s’ouvrir à d’autres cultures, à d’autres façons de voir les choses. Nous traitons des sujets de l’actualité ce qui prouve que c’est une langue bien vivante, parlée tous les jours et bien ancrée dans ce XXIème siècle.
On peut s’inscrire par ce biais dans une certaine idée de renouveau en matière de musique traditionnelle puisque l’on compose en breton, en respectant parfois certains codes de notre culture (en particulier les codes de la gwerz), ou ceux des pays voisins (on a placé un reel irlandais dans un de nos morceaux). Ceci dit, cela n’est pas notre but mais plutôt une inspiration: le uilleann pipes, la voix ou la harpe ne sont pas seulement là pour apporter une touche de tradition: ils s’utilisent comme n’importe quel instrument dans le groupe puisqu’ils peuvent combiner des fonctions multiples (voir dépasser leurs usages traditionnels). D’autant plus l’identité de nos instruments ou les codes de notre cultures issus d’une forte tradition sont plutôt des clins d’œil voir des racines plutôt que ce désir d’innover en matière de musique trad’. C’est dire la difficulté à classer notre musique dans un genre spécifique et c’est pour cela que Skaramaka est unique en son genre.
- Quel est votre dernier coup de cœur musical ou un truc culturel qui vous a marqué récemment ?
Tristan : Robert Glasper Experiment, je suis resté scotché tout le concert…
Pour écouter des compositions du groupe c’est par ici !