Sur Arte, le dernier film de Gustave Kervern (pour la première fois sans son acolyte Delépine) Je ne me laisserai plus faire donne un souffle de rancune fort agréable.
C’est un road trip emmené par un duo savoureux et aux yeux malicieux : Yolande Moreau qui joue Émilie, retraitée enfuie d’un Ehpad, et Laura Calamy qui joue Lynda, femme de ménage ayant perdu son logement (à cause de son compagnon, sorte de jaloux teigneux et profiteur). Ce sont les places des femmes qui sont ici mises en lumière, comme dans les longs métrages récemment portés par les comédiennes (Louise Michel ou Annie Colère). Des femmes victimes de leur position sociale, de leur âge, et d’une société patriarcale bien trop encombrée de crétins en tous genres, dont le trait forcé révèle ici les mécanismes sexistes du quotidien.
En quittant l’Ehpad, Émilie a une mission inscrite dans un petit carnet : une liste de personnes qui l’ont humiliée, licenciée et brisée par le passé. La vengeance est un plat qui se mange froid, ou plutôt un essuie-glace qui se tord avec délice chez le concessionnaire automobile qui l’avait virée. La vengeance est ici assez douce, emballée dans une bonne dose d’humour, et sonne plutôt comme une gentille revanche qu’un réel besoin de s’abaisser à aussi minable que ce qu’on lui aura fait subir. Rapidement Lynda rejoint Émilie dans l’aventure, établit aussi sa liste, et voilà nos deux Thelma et Louise version Citroën avec deux flics dépressifs sur les talons joués par les savoureux Raphaël Quenard et Anna Mouglalis (qui ont finalement leur mot à dire, mais nous ne vous spoilons pas).
Avec quelques répliques qui font mouche, des scènes libératrices, voire des tableaux de mises en scène incongrues, c’est le rire qui l’emporte face à la bêtise. Une sorte de fable cathartique (qui donne un peu envie d’aller s’essayer à l’exercice) au goût poétique et aventureux : à savourer sans modération.