L’humour en héritage, et l’écriture comme mémoire vivante. Avec Alors c’est bien, Clémentine Mélois signe un grand livre soudé à l’amour familial.
« Quiconque a un jour observé une croûte de fromage au microscope ne peut se leurrer sur la vacuité de nos existences » p. 123
« Alors c’est bien » conclut souvent Bernard Mélois à l’attention de sa fille, Clémentine. Bernard est sculpteur, il vit à la campagne, plus précisément à La Ferté-Milon, il aime son atelier sa femme et surtout il ne veut rien laisser au hasard pour le monument sur sa tombe. Car Bernard est malade, et donc, la famille se retrouve réunie pour se préparer à son départ. Bernard (après la lecture, on se sent une sorte d’étrange familiarité avec le bricoleur à qui on emprunterait bien un chalumeau) ponctue les passages du livre. Qu’il s’agisse de rappeler qu’il possède une boîte de clous de la tour Eiffel, citant Paul Valéry ou pour s’inquiéter de ses proches, Bernard intervient donc de temps à autres dans le récit de Clémentine Mélois, l’autrice du livre. Inventrice de l’huile essentielle tartiflette, compositrice de couvertures de romans célèbres, ou encore exploratrice de bibliothèque, Clémentine Mélois use de l’humour et de la créativité comme d’une seconde peau. Une fibre familiale qui nous plonge dans les souvenirs de son père au travail, à l’observer dans son atelier chantonnant « Petite fleur » de Sidney Bechet, mais aussi dans les préparatifs du départ à venir, qui prennent parfois la tournure d’aventure rocambolesque.
« — Il est beau non ?
— Oh oui, on dirait le cercueil à Michou » p. 160
Le cercueil, les préparatifs de la cérémonie, la découpe du tissu à fleurs bleues, la croix à faire émailler : rien ne semble laissé au hasard pour organiser les funérailles de Bernard. Des occupations, souvent créatives, entremêlées de souvenirs de diverses époques, où le lecteur se trouverait presque à feuilleter un album de famille, à l’image de la photographie de couverture où Bernard traîne Clémentine sur une petite luge. La petite Clémentine qui cherche à soulager les souffrances de son père, et qui se prenait enfant pour Gandalf, nous faisant tour à tour sourire d’une tournure métaphorique, ou arracher quelques larmes au coin des cils, dans une nostalgie sans flon-flon et un amour sincère. Un livre qui ressemble à la sculpture de son père, qui dirait « C’est la vie ». Alors c’est bien.
Alors c’est bien de Clémentine Mélois – l’arbalète Gallimard – 208 pages – 22 août 2024 – Prix Méduse