Cela fait un moment qu’on avait arrêté, faute de temps, la Revue de seize ; en vrai on l’avait carrément abandonnée. Puis les projets sur le bureau s’empilant dangereusement et menaçant de renverser la tasse à café en raison du chat qui vient s’y empiler aussi, la Revue de seize a fini par ressurgir, en mode hivernal ; une Revue de seize écrite avec des moufles, donc.
En une de cette sélection, nous mettrons en avant la compilation de soutien à Pablo Hasél artiste espagnol arrêté et condamné à 9 mois de prison en février 2021. De ceux que l’on voudrait faire taire quand il s’agit de dénoncer, notamment les exactions des pouvoirs publics envers les personnes sans papier. Rappelons qu’en ce moment même à Calais, à Paris ou ailleurs, la France n’a absolument aucune leçon à donner en la matière (surtout quand on lacère des tentes en plein hiver, entre autres).
Pour l’écouter et soutenir c’est par là.
Rocé – Poings serrés
Parce que quand Rocé sort quelque chose, nos oreilles sont à l’affût. Parce que Rocé a p’têt les Poings serrés mais qu’il arrive à les relâcher pour écrire et que ça vise toujours aussi bien. Parce que « Tenir debout » face à l’histoire (passée et invisibilisée) revient à la raconter. Encore, sans relâche. Parce que l’époque est un « Spectacle permanent » pour lequel on ferait en effet bien d’avoir jeté toutes les télés par les fenêtres ; « the revolution will not be televised ». Parce que ça annonce un album pour 2022. Et enfin, parce qu’on vit sur du capitalisme et qu’on meurt sur du cxpitxlisme. Sxloperie de cxpitxlisme.
24 juin 2021 – 6 titres – Hors cadres
Deadi – Tout va
Deadi rappe vite, Deadi rappe comme un taré, Deadi rappe dans la « galère », sans perdre de vue une bonne dose d’humour noir : « si les condés ont envie d’nous foutre au frais c’est qu’on est trop chaud ». Deadi demande toujours « qu’est-c’qui s’passe », sûrement une « créature irrécupérable » qui a chopé un micro avec une voix atypique, qui hoche la tête avec Kacem Wapalek pour raconter ses hésitations (« des fois j’hésite à faire le bien, des fois j’hésite à faire que dalle ») ; ou en compagnie de Vîrus pour croiser la rime. Bref Tout va, on sait pas comment, mais Tout va. Avec le sourire d’un clown.
13 titres – 26 mars 2021
L1consolable et Tideux – Le Droit Au Bruit
Parce qu’on aime bien les gens qui gueulent et qui réclament leur droit à faire du boucan, et qu’on trouve l’époque bien silencieuse malgré « les tas d’urgences » toujours pas (et bien loin d’être) réglées. Parce que L1consolable sort des projets pour faire remuer les méninges, parce que supporter « Notre lot quotidien » passe mieux sur des samples de soul, parce que Tideux vient ici le rejoindre le temps de 14 titres (et que du coup on retrouve son acolyte Fl-How pour le titre « Tourmenté »). Parce que ça cause souffrance animale avec « Du sang sur les mains ». Parce qu’on a un peu du mal à gueuler ces derniers temps, alors autant réclamer un droit au bruit et le crier sur tous les toits.
14 titres – 14 juin 2021
Dj Fysh – Francs parleurs vol. 2
Fysh Kyma braque-t-il le son pour collecter des pièces de 5 francs ? Aucune idée, en tout cas dans la tirelire il a réuni 24 titres où se côtoient ceux qui ont un peura qui dit c’qu’il pense. « T’es dans la merde si on branche un XLR ». Et ça s’adresse aux minorités, aux prolos et à ceux qui ont bouffé ces dernières années pas mal de lacrymos. Pendant que l’Alerte rouge écrit sa « Lettre au président », que Skalpel se prend pour « Le dernier rappeur », Nivek déroule ses « Histoires », Monsieur M fait dans le « Refus d’obtempérer » ; « Bref » conclut Fléo, les Francs Parleurs ont ici sorti l’artillerie (même celle des salopards) lourde pour poser leurs textes remplis de rage, d’amertume, de colère et de révolte. Pendant que Sitou Koudadjé compte ses « Dollars canadiens, francs suisses et euros », le compagnon de route de Fysh au sein du Kyma, Cesko, rappelle qu’il a « toujours un mot à dire ». Francs Parleurs, un album à la parole libérée pour ceux qui sont « atterrés mais pas résignés ». (psst, le disque est à gagner par ici)
24 titres – 30 mars 2021
Fayçal – Chants de ruines
S’il y a un disque pour lequel notre retard est intergalactique, c’est celui-là puisqu’il est sorti en janvier dernier. S’il est là, ce disque, c’est parce qu’on avait perdu de vue Fayçal depuis son EP précédent Bords perdus paru en 2016. On a enclenché les sons de cette « Bête curieuse », « un peu sauvage mais respectueux ». On a retrouvé les teintes qui nous avaient marqué en prenant en pleine pomme la poésie du « soir qui tombe en rougissant » sur « Seize à mes sources ». Parce que parfois nous aussi tout ce qui nous ébahit nous fout la frousse. On a appuyé sur replay, plusieurs fois. On a écouté le disque plusieurs fois, on a pris appui sur la basse des « Éclairs de lune », on a bien failli s’envoler mais on est retombé sur le goudron, à « Trente trois mille et des poussières ». On s’est retrouvé en plein Chants de ruines, avec la plume de Fayçal parmi les gravats qui dessinaient des « Ombres blanches », à chercher « une brèche dans l’infini du large ». On est p’têt resté là-bas.
6 titres – 29 janvier 2021 – Ekinoxe
Skalpel – Radioactif
Comme Skalpel charbonne comme il respire, on a eu du mal à suivre depuis 4-16-8-16-8-4 en décembre 2020, puis Match à l’extérieur au printemps 2021. On avait prévu au départ de chroniquer l’album Radioactif, opus réalisé avec Dj Monark. 16 titres d’un « inadapté » qui a un « écoloblues » et une plume toujours trempée dans le bitume ; une plume qui reste du côté des luttes, celles sur le terrain face à « La loi du marché ». Parce que ça nous causait bien, ce boom-bap anachronique dans cette époque qui sombre et où les chats sont l’un des derniers refuges de consolation ; mais notre besoin de consolation est sûrement impossible à rassasier. On avait prévu d’encenser sa manière de raconter son parcours en un titre, « Parcours s’colère ». De saisir les oscillations entre un « J’attends la fin » tout en constituant une « Army of Gaïa » ; de tracer ce fil entre lucidité (forcément pessimiste) et réactions à vif (nécessairement épidermiques). On s’est paumé quelque part dans ce « Style sombre », bref, on avait prévu de chroniquer du Skalpel, on va plutôt vous laisser l’écouter.
Radioactif – 16 titres – 5 octobre 2021 //
Match à l’extérieur – 17 titres – 4 mai 2021
Mauvais sang – Coulez mes larmes dit le policier
La notice de l’album (qui s’avère être une compilation) indique que le titre se réfère à un roman de Philip K. Dick. Roman de science-fiction paru en 1970, pas la peine de remonter aussi loin pour mater le décor et comprendre à la pochette du disque de quoi il retourne. Coulez mes larmes voudraient-ils, il conviendrait donc de les sécher pour que la peur change de camp. « Castaner dans la télé va t’allumer le propane » rappe LK de l’Hôtel Moscou ; pour incendier la mèche avec lui, Skapel, Monsieur Saï, Drache, Dakota ou La Main Gauche pour ne citer qu’eux. Avec du beau monde au micro mais aussi à la prod, cet opus fait la part belle (ou moche en fait, plutôt moche) à la douloureuse question des violences policières qui, rappelons-le, ne sont évidemment qu’une chimère, une licorne que personne n’aurait jamais vue. Et ceux qui ne veulent rien voir, qu’on vienne pas me dire que c’est à cause des larmes dans les yeux.
12 titres – 25 juin 2021 – Mauvais sang
Al Tarba – Le cabinet des curiosités
Depuis novembre 2020, le producteur Al Tarba a semé sur la toile des collaborations avec d’autres beatmakers, producteurs et rappeurs. Comme on était encore confinés-sous couvre-feu et sans concerts, et à force on sait pas trop sur quelle galaxie, ça a bien sûr enchanté nos haut-parleurs. On a alors suivi ces expérimentations sonores sans trop savoir où ça nous emmenait, mais ça nous plaisait bien depuis le premier volet avec Mounika pour le titre « Le jour » (et dont on apprécie aussi l’animation). Se sont ensuite succédé (liste non exhaustive) Yous Mc, The Architect, Degiheugi, En résulte cette année l’album complet Cabinet des curiosités. Idéal pour les jours de pluie ou les refuges nécessaires par temps de pandémie : l’antidote est là.
14 titres – 29 octobre 2021
Sitou Koudadjé – Twilight zone
Sitou Koudadjé fait partie de la catégorie plumes d’acier, trempées dans le feu, l’alcool et la mélancolie. D’une voix qu’on entend trop rarement. Quatre ans après Chansons cardiaques, il distillait cette année au compte-gouttes un titre de son nouvel album avec un marketing « sans costard ni veste » : une sortie en cd physique avant la sortie numérique. « Les factures dans la boîte à lettres s’accumulent » : Sitou pour qui une journée passée sans écrire est une journée perdue, rappe depuis sa Twilight zone et vous souhaite la bienvenue à l’intérieur. Entre samples classiques au violon larmoyant (« Essename ») et digressions sonores plus contemporaines (« Salieri »), on se retrouve à marcher sur un spleen jazzy, « Entre sols et cieux », ou embarqué par les voix en chœurs de « Qarma ». Et sur le dernier titre « Rhapsodie », on retrouve cette alchimie entre une prod lancinante et quelques pépites verbales, sorte d’humble et « sage rhapsode de la rue » paumé dans la quatrième dimension. « Parce que sincère, et pour tout t’dire, pour moi c’est l’plus grand des succès ». (Psst, le disque est à gagner par ici)
14 titres – 22 septembre 2021 (pour le cd)
Sameer Ahmad – Effendi
On aurait pu mettre cet album de fin d’année en début de sélection, mais à vrai dire, Sameer Ahmad, on a jamais vraiment su où le mettre, et puis d’abord pourquoi faudrait-il tout classer et tout ranger ? Sameer Ahmad reste (et restera, espérons-le) inclassable et incomparable. Deux ans après Apaches (et le 2ᵉ volet du projet Un amour suprême), voilà Effendi. Un nouvel album, mais aussi un projet étroitement lié à l’illustration ; d’abord celles de Bacim Al Muniem pour le livret du disque, mais aussi pour le lien avec la bande son accompagnant la bd Bayou Bastardise sortie en janvier (3 tomes signés Armand Brard et Neyef pour les dessins) et qui s’affichait dans le clip de « Bleu delta ». Pour dire, on ne s’est pas encore remis de la punchline « Shook ones part 2, justice nulle part ». Ce nouvel album qui débute par la lecture de la fable de l’oisillon et du coyote continue avec pas mal d’ingrédients bien acquis : samples de films, métaphores fulgurantes et rimes qui n’en sont pas toujours. Ainsi rappera Zarathoustra, mais surtout rappera Sameer Ahmad, en dehors des clous mais toujours à temps. Sorte de « Siddhartha » de la punchline sur une basse stoïque, « Diogène » dans son tonneau d’encre, on arrive ici plutôt sur une bande son entre philo urbaine et décor pour road movie mental ; introspection planante, toujours marquée au fer d’évasion mystique et de la valse des références. Le rythme reste régulier, pas trop de vague à l’horizon : la lame de fond reste tapie pour surgir dans le verbe. Sûrement le meilleur cadeau de cette fin d’année 2021 à déguster en cherchant de l’ombre pour mettre ses doutes à l’abri.
10 titres – 10 décembre 2021 – Bad Cop Bad Cop / iHH™ Records
L’Édifice X Cesko – À la croisée
Parce qu’on a jamais pu s’empêcher de suivre ce que faisait (feu) Kyma, voilà qu’on retrouve Cesko à la production au lieu du micro, ici saisi par l’Édifice (un bout de l’Artillerie de salopards). On se retrouvera donc projetés en échanges politico-pas contents, coloris rouge et noir, en déclaration de désamour avec la bande son actuelle (« La rotation »). Des emcees venus jouer les « Trouble-fête », raconter leur quotidien, leurs amitiés, le terrain d’échange mental pour couper les barbelés sur la pochette, et ceux qui poussent un peu partout. À la croisée des idées et des luttes, le temps d’un verre chez « Le Shanti Shanti », « Le temps des armes » aussi. À défaut d’avoir les munitions, vous pourrez toujours vous prendre une balle « en plein dans le moral ». Celle de la véritable violence de ceux qui sont allés jusqu’à « nous vendre nos larmes ».
8 titres – Octobre 2021 – Vatsa prod
Parmi les cds qu’on a pas eu de temps en plus pour en écrire quelques lignes et de toute façon on a en a sûrement loupé plein d’autres : Kyo Itachi qui prépare un album pour 2022 intitulé Solide), Art of monk (3 décembre 2021) // Res Turner, Resist (29 mars 2021) // L’uzine, Colère et peine (17 décembre 2021) // Ol’Zico, Ma réalité (17 décembre 2021) // Mani Deiz, All Star Game (17 décembre 2021), pour lequel on est bien contents de retrouver Flynt (en feat avec Limsa d’Aulnay et Ol Zico)