Matière brute, travail singulier de la photographie, Moulich présente au Centre Culturel Jovence de Louvigné du Désert une série de photographies intitulée « Je te HAISme ».
♦ Moulich peux-tu nous présenter ton parcours ?
A 42 ans, je peux dire que ma vie a connu deux cycles: 10 ans d’écrits et de peinture, puis 10 ans d’écrits de travail photographique. Tout ça nourri depuis et par mon enfance. Cette vie a été rythmée de rencontres et d’émotions qui m’ont amenée tour à tour à m’investir dans des collectifs artistiques puis à m’exposer deci-delà : Paris, Lille, Marrakech, Rennes.
♦ Tes photographies semblent irréelles avec leur effet de superposition; comment travailles-tu cette esthétique ?
Une sorcière ne révèle pas les secrets de ses potions magiques. C’est une histoire d’alchimie entre les outils qui me sont donnés et certainement le fait qu’un seul de mes yeux voit. Donc forcément, je n’ai pas la même vision que toi par exemple. Ma vision à moi est « faussée » ou en tout cas différente. D’où peut-être ce rendu irréel (non conforme à la réalité) ressenti dans mon travail.
♦ En venir à la matière, est ce une tentative de s’éloigner de la photographie traditionnelle ? (voire de créer d’autres possibilités entre les techniques : peinture, sculpture, photo etc)
La matière est essentielle pour moi. J’ai besoin d’aspérités, de reliefs, de renflements. comme dans la vie. Rien n’est lisse. tout est cabossé. J’ai besoin de retranscrire physiquement à travers mon travail photo’ ce mur chargé d’histoires et pleins de coups, de bois écaillés, de pierres usées, témoin du passage du temps, des gens.
Et il est vrai que je suis sensible à la transsémiotique des arts et que forcément je travaille mes photos comme un prolongement de mon travail pictural. de même que j’ai toujours une musique à l’esprit à chaque instant de la création. Finalement c’est assez étrange, c’est comme si je tendais à rematiériser l’objet de dématérialisation qu’est le numérique…
♦ En plus de ce travail sur la matière (terre, ciel..) tu travailles énormément sur le corps en lui même; comment en es-tu arrivée à explorer sans cesse cette thématique ?
Le corps c’est l’humain. C’est lui qui transpire nos émotions, qui nous trahit, qui nous enveloppe. C’est lui qui se confronte à l’autre. C’est LA matière première/primaire.
A chaque génocide, c’est le corps qui est l’ultime enjeu dans la volonté de détruire l’autre: le corps est torturé, brûlé jusqu’à disparition totale. comme si une fois notre corps effacé, on n’existait plus.
de l’importance des corps…
de l’importance de la censure…
♦ Tu exposes à Louvigné du Désert une série intitulée « Je te HaisMe »; peux-tu nous éclairer sur ce titre ?
Je te HAISme, c’est tout simplement un je t’aime moi non plus permanent. un je te hais en réponse à un je t’aime et inversement, indéfiniment. « Je te HAISme », c’est comme une histoire d’amour, de vie, de cris, de douleurs, de douceur… en 40 photographies d’un homme et d’une femme heurtés. – ça, juste ça…
♦ Le processus de création te-semble (donc) indubitablement lié à la vie de l’artiste ?
Pour moi, oui. Je ne conçois pas l’acte créatif détaché/à côté de ma vie. c’est un nécessaire vital, viscéral, l’exutoire de mes émotions, des bouts de ma vie, oui.
♦ Quels sont tes projets à venir?
Plein. trop.
- faire tourner « je te HAISme »
- poursuivre le projet de concert-expo’ « noID » avec Zedrine Solo
- création d’une nouvelle expo’ « je vais oublier de vous aimer », qui sera une galerie de portraits des humains qui ont traversé/traversent ma vie.
et plein d’autres projets encore. à suivre..
♦ Dernier coup de cœur artistique ?
En graff, Trebel Art et ses amants aux cœurs qui se déchirent, se rafistolent.
En photo, Cel Evna et sa série « rêve petite fille, rêve ».
En zik, le nouveau clip d’Enterré sous X, « Bank people ».
Je te HAISme, une exposition à découvrir à Louvigné du Désert du 4 octobre au 16 novembre 2013
La page de Naïla // Le Centre culturel Jovence