Carbone et silicium : mécanique sensible du robot

À la fin de l’été 2020, Mathieu Bablet signait une œuvre magistrale en bande dessinée : Carbone et silicium, où un récit qui replace les influences majeures de la science fiction face aux enjeux actuels.

carbone-siliciumC’est un pavé de plus de 200 pages au dessin remarquablement colorisé que ce Carbone et silicium paru fin août et qui aura pris deux ans de travail à son auteur, Mathieu Bablet. C’est un livre qui ne remonte pas le moral puisque le constat est clair : le capitalisme a ruiné la planète et le transhumanisme est une illusion perdue d’avance. Dans cette dystopie apocalyptique où l’environnement humain se désagrège au fil des pages, deux intelligences artificielles sorties des laboratoires Tomorrow Foundation : Carbone et Silicium. Qui constatent les dégâts et leur propre incapacité à s’avérer être un futur possible.

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« Peut-être qu’on a tout simplement mis les humains sur un piédestal un peu trop haut. Ils ont tout fait pour oublier leur statut d’animal, sans jamais le dépasser. Ils ont échoué, Carbone, l’humain a échoué. »

Cet extrait de dialogue (page 180) se trouve sur une vignette où un enfant mort gît au sol parmi les ordures, dans une position qui rappelle le corps du petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage en septembre 2015. Et Carbone et Silicium, créations de cette (in)humanité, sans prendre réellement part à l’entreprise des civilisations, déroulent leurs réflexions, mais surtout leur sensibilité qui met le lecteur face à son propre paradoxe : s’attacher à ces robots, qui tentent souvent de résoudre leurs problèmes de batterie ou de mise à jour système. Voire simplement, de se retrouver comme ils le peuvent au fur et à mesure des générations, car Silicium s’avère totalement nomade. Une façon de replacer la question au niveau mondial.

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Si le dessinateur pioche dans des thématiques cyberpunk à la Mad Max ou plus récemment Matrix, c’est pour mieux les entremêler à des enjeux totalement actuels, à savoir des systèmes totalitaires qui croient aux avancées technologiques et où l’idée même d’humanisme a été abandonnée : les robots prendront la suite. Avec les mêmes erreurs. Boucle vertigineuse sur l’engagement politique et les luttes écologistes qui prend place dans des planches aux architectures fascinantes, qu’il s’agisse de zones urbaines, d’affrontements civils sur fond rouge sang ou, progressivement de touches d’éclaircies qui font apparaître un papillon ou une baleine. Une beauté graphique qui inviterait à penser l’effondrement à ré-habiter. À repenser collectivement, car malgré les connexions réseaux, la toile des liens humains n’y apparait pas comme totalement rompue souligne Alain Damasio qui signe la postface de l’ouvrage. Sûrement l’un des meilleurs de l’année 2020.

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Carbone et silicium – Mathieu Bablet – Sorti le 28 août 2020 chez Ankama -  277 pages – 24 × 32 cm – 23,90 €

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