Visible jusqu’au 30 août à la Criée centre d’art contemporain de Rennes, l’exposition De Paroles en paraboles, on se sert est signée d’Amadou Sanogo ; un voyage en mots et en couleurs.

Amadou Sanogo est né en 1977 à Ségou au Mali, et il vit et travaille à Bamako. Cet artiste présente treize toiles produites depuis 2019 et spécialement conçues pour La Criée. Ces toiles suivent le cycle de trois ans de Lîlî, la rozell et le marimba qui s’articule autour du vernaculaire d’où son étymologie « vernaculus » qui signifie « du pays, indigène, national » et qui invoque du local et des langues vernaculaires. Les traditions vernaculaires entremêlent la géographie, le climat et les coutumes. De plus, ce qui est vernaculaire se développe avec de nouveaux horizons ponctués de migrations et de globalisations. Cette ouverture se ponctue avec le terme du philosophe et poète créole Édouard Glissant (1928-2011) sur l’espace archipélagique. La rozell est un ustensile de cuisine breton, le marimba un instrument africain à l’origine mais dont l’usage est également très répandu en Amérique latine et Lili est un petit nom à multiples consonances.

Ses toiles sont tendues sur châssis et peintes à l’acrylique, alors que le travail du peintre Amadou Sanogo est habituellement fait de récupérations de cartons en utilisant des peintures industrialisées destinées aux voitures. Il improvise ses motifs et tracés figuratifs à l’aide de pinceaux, brosses et de ses mains. L’arrière-fond est peint en dernier et détermine une harmonie colorimétrique dans chaque tableau. Il a tout d’abord obtenu une formation de peintures traditionnelles sur bogolan (qui est un tissu de coton teint à motifs) à l’Institut national des arts de Bamako. Amadou Sanogo s’inspire de peintures rupestres du pays Dogon et des peintures de Supports/Surfaces des années 1970 comme celles de Jean-Pierre Pincemin. Il expérimente la peinture à même le sol sur différents matériaux comme les peintres de Supports/Surfaces. Entre figuration et abstraction ses peintures symbolisent la culture malienne bambara. Ainsi la couleur bleue signifie la peur avec le mouvement de l’eau, le jaune traduit la richesse et la jalousie, le blanc est associé à la lumière, le noir l’incertitude ou encore le rouge symbolise l’amour et la bravoure.

Dans une pièce séparée, les travaux des élèves de CM1-CM2 de l’école Trégain sur différentes thématiques lors d’ateliers animés par l’artiste.

Pour son exposition De paroles en paraboles, on se sert, Amadou Sanogo puise des proverbes issus de la culture bambara, qui est un peuple mandingue de l’Afrique de l’Ouest sahélienne. Dans la ville de Ségou, les proverbes sont utilisés dans la vie quotidienne et viennent ponctuer des histoires qui sont diffusées et transmises de génération en génération. Amadou Sanogo traduit ces paroles par la peinture et entremêle formes, symboles et couleurs. Ses peintures traduisent le système de valeurs des Bambaras et prennent leurs significations dans ses interprétations personnelles. Par exemple, une de ses dernières toiles intitulée « Mes observations face à la situation » a été réalisée en mars 2020 et renvoie à la crise sanitaire du Covid-19 et représente l’autoportrait de l’artiste avec la bouche ouverte et le corps embrumé dans lequel on peut apercevoir un masque traditionnel et médical à la fois. C’est la seule peinture qui n’a pas été conçue à partir d’un proverbe mais cela revient au même pour Amadou Sanogo car il ne peut pas enlever ses propres observations du temps présent. Il dit que le coronavirus est « comme un nuage de peur qui plane au-dessus de la tête de chacun d’entre nous ».