Samedi 30 mars en fin d’après-midi, Denez Prigent et ses musiciens sont attendus sur la scène du Cabaret Botanique de Mythos. Retour sur un concert fort et envoûtant.
1h30 de vibrations : le chanteur Denez Prigent est venu défendre son dernier album Mil Hent (mille chemins) sur la scène du festival Mythos. Un concert entre moments dansés comme la gavotte de « Ar rodoù avel », passages poignants captant l’attention sur le texte avec « Dans la rivière courante », et bien sûr, tout l’art de la complainte, la gwerz dont Denez est spécialiste. Comme « Ar marv gwenn », la mort blanche, chanson dédiée aux morts de froid. Les gwerzioù sont des « chants empreints de religiosité, et de fantastique; Games of Thrones n’a rien inventé ! » nous explique le chanteur à sa sortie de scène; une influence du « Barzaz breiz, un recueil de chants de 1839 qui est le recueil de gwerz par excellence, une œuvre de génie, encensée par Georges Sand qui parlait du génie poétique des Bretons ». Avec pour volonté depuis le départ de « faire connaître cette richesse longtemps méconnue et reléguée à des chants folkloriques ».
Autour du chanteur (qui descendra plusieurs fois de scène vers le public), un trio de cordes (guitare, contrebasse, violon), un percussionniste qui manie aussi bien djembé que derbouka, nous plongeant vers les musiques orientales : un mélange qui voit ainsi le joueur de bombarde alterner avec un duduk arménien, ou la harpiste envoûter l’auditoire au son du kanoun. Sans oublier sa marque de fabrique qui associe aux airs traditionnels de vastes touches d’électroniques, ou même de scratches. L’ajout de ces instruments ? « L’essence de la musique bretonne, c’est le chant a cappella; dès qu’on met une musique sur ce texte, on est contraints d’utiliser certaines notes pour respecter l’accent tonique de cette langue, c’est ce qui fait la spécificité de toute musique au monde ». L’ajout des instruments, fait par les voyages, comme la bombarde « qui est au départ un instrument oriental qu’on a adapté à la langue bretonne », tout comme la guitare venue d’Espagne, ou l’accordéon qui est tout récent dans la musique bretonne.
Après « E garnison » en hommage à Yann-Fañch Kemener, le chanteur clôture son concert sur « Melezourioù-Glav » (les miroirs de pluie). Nous avions pour lui une dernière question, sur la signification qu’a le chemin pour lui. « Le chemin de vie bien sûr sur lequel on apprend ! On rencontre des gens différents, des expériences différentes, sauf sur les voies express d’aujourd’hui. J’adore me promener dans les chemins creux, j’ai la chance d’en avoir encore quelques-uns autour de chez moi, et chaque fois j’y fais des rencontres. Il y a des gens qui vont à l’autre bout du monde, c’est bien, mais souvent il suffit d’aller à côté de chez soi, et là on peut faire des découvertes magnifiques. Ce disque c’est un peu les mille chemins que j’ai pu emprunter, une halte; je m’arrête et je me retourne sur le chemin que j’ai pu parcourir, c’est un résumé, une synthèse des approches que j’ai pu avoir, la musique classique, l’électronique, le jazz, toutes ces expériences que j’ai pu faire pour habiller ce chant qui au départ était seul, comme un corps nu ». Trugarez dit Denez ha ra vo dreist an hent.
Merci à C-Lab, Véronique et Charlotte