Santiago, Italia, de Nanni Moretti : un documentaire (impartial comme on les aime) sur la chute du gouvernement chilien d’Allende.
Entrecoupé de documents d’archives et d’interviews actuelles des protagonistes d’alors, ce documentaire revient sur l’histoire récente du Chili. Fin 1970, Salvador Allende (1908-1973) est élu président. Durant trois ans, en dépit des médias et des industriels de droite qui glissent des bâtons dans les roues, il engage une politique socialiste humaniste d’inspiration marxiste : école gratuite, nationalisation des mines de cuivre (qui appartenaient au très gourmand voisin états-unien), distribution quotidienne de lait aux enfants, redistribution des terres agricoles, plafonnement des prix des produits de première nécessité, amélioration du sort des ouvriers, etc. Des témoins de l’époque sont interrogés. Les militants de gauche gardent un souvenir ému, merveilleux, de ces trois années, belles et joyeuses. Le rêve s’achève brutalement en septembre 1973. L’armée s’empare de la radio, puis du pouvoir, après avoir bombardé la présidence avec l’aide de l’aviation (et la bénédiction des USA qui voyaient d’un très mauvais œil cette expérience communiste réussie capable de faire tache d’huile).
D’anciens affidés de la junte d’Augusto Pinochet (1915-2006) qui appuyèrent le coup d’État, son lot de terreur, de séquestrations arbitraires, de disparitions jamais élucidées, d’autodafés, d’assassinats politiques, de tortures à l’électricité, d’interdictions de toutes sortes, restent, quant à eux, encore élogieux de l’action exemplaire et démocratique menée à partir de ce mois de septembre 1973. Ces purges parmi les opposants au nouveau régime ne firent-elles pas que trois mille morts ?
Via l’ambassade d’Italie à Santiago, des centaines de Chiliens obtiendront le statut de réfugiés politiques et auront la vie sauve grâce à la solidarité internationale des pays aux idées alors proches de celles de feu le président Allende (ci-dessus en contreplongée, lors de l’un de ses derniers discours). Vraisemblablement, il s’est suicidé lorsque l’armée a envahi le palais présidentiel le 11 septembre 1973.
Cette ambassade italienne au Chili saura accueillir les partisans d’Allende en déroute, puis leur accorder des sauf-conduits qui mèneront ces opposants sous la menace des troupes de Pinochet jusqu’à l’Italie antifasciste des années 70 – qui a bien changé depuis, reconnaît l’un des interviewés à qui nous ne donnerons pas tort… mais qui sommes-nous, Français vivant sous l’égide ultralibérale du jeune, aussi autoritaire que poudré, président Macron, pour donner des leçons de morale ou de politique aux Italiens d’aujourd’hui qui vivent sous la férule de Matteo Salvini et Luigi Di Maio ?
