« Entretien avec Saul Alinsky – Organisation communautaire et radicalité », aux éditions du commun

Entretien avec Saul Alinsky – Organisation communautaire et radicalité : une lecture plus que stimulante par les temps qui courent.

Je pense que j’étais une sorte de rebelle par instinct – je me suis notamment attiré des ennuis en menant un combat contre la messe obligatoire. (page 43)

Alinsky

Né à Chicago de parents russes émigrés aux États-Unis au début du XXe siècle, Saul Alinsky (1909-1972) a connu durant sa prime jeunesse la misère, l’antisémitisme, la violence et le mépris entre communautés – ça forge une destinée. Puis avant la Grande Dépression de 1929, il a pu faire, à l’université, des études de sociologie – qui, à l’époque, n’était pas encore un « sport de combat » pour reprendre la formule de Pierre Bourdieu et le laissera donc sur sa faim – puis de criminologie. Grâce à sa malice, son culot et sa curiosité, sans crainte de multiplier les mauvaises fréquentations, dans le cadre de ses enquêtes et études, il va fricoter avec la mafia de Chicago, très puissante, avec des syndicats, avec le monde pénitentiaire. De fil en aiguille, de réseau en réseau, d’une découverte à l’autre, il va se spécialiser dans le militantisme social, usant de méthodes d’activiste imprévisibles, originales, drôles, médiatiques et, surtout, efficaces – faire poids pour faire plier l’adversaire, faire pression, exercer un chantage crédible pour atteindre son but (comme par exemple menacer la mairie de lâcher des milliers de rats dans les locaux officiels) et, au final, obtenir gain de cause, en l’occurrence ici la réhabilitation d’un quartier défavorisé.

mockup-alinsky_03Convaincu qu’un autre monde est possible, il va en faire la démonstration, en actionnant les bons leviers, en y mettant du cœur à l’ouvrage, en profitant également du soutien d’un mécène qui financera ses initiatives. Fédérer autour d’un objectif collectif devient son métier. Saul Alinsky ne ménagera pas sa peine pour faire avancer des causes, car il croit au progrès social, lequel, prompt à s’enliser une fois un combat gagné, doit sans cesse être reconduit.

La première chose à faire quand on arrive dans une communauté, c’est démonter ce raisonnement ["C'est vrai, ça va mal, mais qu'est-ce qu'on peut y faire ? On ne peut pas se battre contre la mairie. La vie est dure pour tout le monde..."]. On dit aux gens, « Vous n’avez pas à supporter toute cette merde. Vous pouvez changer ça. Mais avant d’accomplir quoi que ce soit de concret, il vous faut du pouvoir et ce n’est qu’en vous organisant que vous pourrez l’obtenir. Il y a deux formes de pouvoir : celui de l’argent et celui du nombre. Vous, vous n’avez pas d’argent, mais vous êtes nombreux et voici ce que vous pouvez faire… » (pages 68 et 69)

Bref, son héritage intellectuel est considérable et on peut remercier très vivement les éditions du commun pour le dépoussiérage entrepris autour de cette icône de l’insolence pro-active et du militantisme en faveur des opprimés.

Entretien avec Saul Alinsky – Organisation communautaire et radicalité, préfacé par Yves Citton – éditions du commun, 2018, 114 pages, 11 €.

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