C’est un tout jeune groupe, une révélation des Inouïs du Printemps de Bourges en région Bretagne qui nous a accordé quelques minutes dans les loges de l’Antipode à Rennes juste après leur concert de la sélection 2018. Pour leur dixième date ensemble, les musiciens rennais relevaient un défi important en débutant la soirée dès 20h30 devant un public de privilégiés et pourtant clairsemé. Vital et Max, nous présentent Les Vilars, un nouveau projet musical de la capitale bretonne pop chanté en français.
- De quelle manière est né le projet, quelles sont vos influences ?
Vital : Mon frère Rémi et moi on a été bercés par toute sorte de bardes chevelus et plus généralement la folk, que ce soit de Bretagne ou la musique traditionnelle du Brésil, de Russie ou Madagascar. Il y a quelque chose d’universel et de nécessaire dans ces musiques et dans la fonction du barde, mi-chroniqueur, mi-conteur, qui nous a toujours touchés. De mon côté, j’étais aussi très amateur de chanson française telle que Boris Vian, Philippe Katerine, Mano Solo, et bien d’autres. Rémi apportait quant à lui plus la culture musicale pop anglo-saxonne avec par exemple Bob Dylan, Leonard Cohen, ou Lou Reed dont on a usé les disques jusqu’à la corde.
- Et le nom choisi pour votre groupe « Les Vilars »?
Vital : Ça vient du nom d’un village où on a commencé à faire des chansons quand on était mômes et ça signifie aussi « source » ou « ruisseau ». Finalement tout commence toujours dans la flotte.
- Et de vos chambres d’adolescents à aujourd’hui, que s’est-il passé ?
Vital : En fait, mon frère et moi n’imaginions pas travailler dans la musique. On a fait plein de boulots et de voyages mais tous les deux, on se retrouvait régulièrement autour de la musique en privé. C’était devenu une espèce de rituel. Et puis, je commençais à mal vivre ces moments-là, presque cachés, honteux de garder cette musique-là pour nous, de ne pas la transmettre et de ne pas se confronter à un public. Alors après un moment à stagner artistiquement, on s’est posé de bonnes questions. C’est à cette période qu’il y a eu une vraie rupture dans ma vie professionnelle à moi. J’ai démissionné d’un poste, je suis revenu m’installer en Bretagne, là où on avait des racines, et j’ai décidé de reprendre ma vie en main. La musique faisait précisément partie des choix qui s’imposaient à moi, même si ce n’était pas une évidence au départ, je ne savais pas que ça allait prendre une telle consistance.
- Quels éléments ont été décisifs ?
Vital : Ce qui a été déterminant avant tout ce sont les rencontres. C’est d’abord lors d’un voyage à Madagascar que nous avons rencontré un batteur, bassiste et ingé son, notre presque « docteur du son » : Miora Rabarisoa. C’est lui qui nous a aidés à faire aboutir nos chansons, à trouver un son pour notre premier album Le bel avenir. Dès que quelques titres nous sont apparus prêts, Rémi a décidé de les faire parvenir à La Souterraine, structure qu’il estimait proche de notre esthétique musicale. Leur rôle a été décisif pour nous puisqu’ils nous ont proposé de poursuivre la réalisation de l’album et de l’héberger sur leur site. Et puis ils ont inséré la chanson « Démission » dans une de leurs compilations appelée Vallée du don. Par la suite, ce titre a commencé à être bien visionné sur YouTube puis repéré par les programmateurs de Radio Nova. À partir de là nous avons commencé à moins douter de notre projet, ça nous a donné comme une assurance, une sorte de validation interne en fait. Enfin il y a eu la rencontre du bassiste Louis puis des autres musiciens à Rennes qui a été cruciale et donné une autre dimension au groupe.
- De quelles façons sont venues les chansons ?
Vital : Je me sentais très contraint dans le format chanson classique tel que refrain, couplet, guitare… et je cherchais une forme qui permette de tout faire, de tout dire, depuis la recette de cuisine, la chronique des faits divers jusqu’à l’essai philosophique ou le haïku, pourquoi pas. En même temps je voulais que ça chante vraiment, que ça sonne et que cela soit en phase avec notre temps. J’avais le sentiment que le « Spoken world » comme celui de Fauve était une voie puissante qui permettait d’être plus libre et de dire vraiment des choses même si cela restait, dans la forme, parfois un peu trop parlé et pas assez chanté ou scandé à mon goût. Je cherchais à m’exprimer avec un peu plus de mélodie, tout en gardant une forte rythmique dans les mots et un aspect narratif.
- Par quels moyens en êtes-vous arrivés à être dans la sélection bretonne des Inouïs du Printemps de Bourges?
Vital : C’est vrai qu’on a pas mal bourlingué mais c’est ici en Bretagne, où sont nos racines et depuis que j’ai posé mes valises dans la région, qu’on a construit la formation actuelle, au fil des rencontres. C’est d’abord Louis qui est venu nous voir à un concert. Il nous a présenté par la suite à des amis à lui qui étaient des musiciens confirmés sur la scène rennaise : en particulier Max, le batteur, Paul le clavier et puis ensuite Arnaud le guitariste.
Max : C’est vrai qu’on est un peu intégrés au milieu des musiciens rennais mais c’est surtout que le titre « Démission » nous a parlé tout de suite en nous faisant réfléchir à notre propre condition de salarié galérien parfois. Alors on a décidé de rejoindre et partager ça par la suite avec Vital. La première fois qu’on a travaillé ensemble pour la version live du Bel avenir, c’était dans une vieille maison familiale bretonne de Vital située près de Guingamp.
- Et en vrai, l’avenir, vous le voyez comment ?
Vital : C’est sûr que l’album présente un regard plus qu’inquiet, grave, voire tragique sur le monde d’aujourd’hui. Il y a un pressentiment assez cataclysmique qui rejoint les analyses du courant de la collapsologie, de l’anthropocène ou d’auteurs comme Gunther Anders. Mais l’issue de tout ça reste ouverte. C’est sûr qu’on ne pourra pas continuer comme ça et que le modèle technique et économique est devenu une espèce de monstre en roue libre et de plus en plus incontrôlable, qu’il mange tout sur son passage et n’hésitera pas à nous manger et à se manger lui-même. Il va forcément y avoir une transformation générale, douce ou brutale.