La surface de réparation de Christophe Régin : une plongée fictive dans les marges d’un club de province, en l’occurrence le FC Nantes.
Intégrer (ou non) les événements sportifs au spectre des faits culturels relayés ici, dans ces augustes colonnes, fut l’occasion d’un sain débat au sein de la rédaction de L’Imprimerie Nocturne. Lequel fut tranché en faveur du non. Heureusement pour les amateurs·trices de la geste sportive, quelques films par-ci par-là évoquent le sujet. On se rappelle d’À mort l’arbitre de (et avec) Jean-Pierre Mocky (1984), avec Michel Serrault, Eddy Mitchell, Carole Laure en partie tourné au stade Robert-Diochon à Rouen et avec une musique d’Alain Chamfort, sur la haine d’un groupe de supporters fanatiques qui s’en prennent à un malheureux arbitre joué par Eddy Mitchell. Ou bien de Coup de tête réalisé par Jean-Jacques Annaud (1979) avec Patrick Dewaere, où la véritable équipe de Guingamp inspira au scénariste Francis Veber l’équipe fictive de Trincamp, et où l’on se retrouve dans les tribunes du stade de l’Abbé Deschamps à Auxerre, les images d’une rencontre entre l’AJ Auxerre et Troyes AC étant utilisées pour la bonne cause (authentique derby soldé par un 0-0). On se souvient aussi de l’étonnant Comment Raymond Domenech a passé son bac ? d’Olaff et ses chiens* (2016) qui nous fait revivre la finale de la Coupe de France 1971**, au stade de Colombes, qui se conclut par un 0-1 retentissant en faveur du Stade Rennais. Sans parler de Zidane, un portrait du XXIe siècle de Philippe Parreno et Douglas Gordon (2006) qui poursuit, avec 17 caméras HD, le légendaire milieu offensif ici sous le maillot du Real de Madrid, lors d’une rencontre au stade Barnabeu le 23 avril 2005, contre Villareal, qui s’acheva sur le score de 2-1 et un carton rouge signifiant l’expulsion du joueur mis en lumière.
Loin de Djibril (Moussa Mansaly) qui s’exprime sur les terrains balle au pied, Franck ci-dessus (Franck Gastambide) vend à la sauvette et dans l’anonymat des billets qu’Yves, un cadre du staff (Hippolyte Girardot), lui offre généreusement pour son dévouement sans failles, sans limites d’horaires et sans convention collective…
Ici, avec La surface de réparation, on atterrit dans les parages d’un club de province, le FC Nantes revu et corrigé pour les besoins de ce long-métrage. On y suit les petites combines d’un homme de l’ombre (Franck Gastambide) qui magouille aux abords du stade, qui zone et se rend utile dans l’entourage des joueurs. Franck a raté sa carrière en tant que footballeur professionnel. Alors il tente de se faire une réputation en tant qu’agent, coach et garde-fou de joueurs plus ou moins confirmés qui pourraient percer – ou avoir tendance à déraper et à attenter à l’image du club. Son chemin croise ainsi celui de la très séduisante et séductrice Salomé (Alice Isaaz). Courtisane férue de performances de haut niveau, elle aussi gravite autour des joueurs de foot professionnels millionnaires, par vénalité, par goût pour l’aventure, pour le scandale, le frisson de la célébrité, le luxe et la luxure – toutes ces choses mirifiques qui accompagnent au quotidien les rédacteurs·trices de L’Imprimerie Nocturne les stars du ballon rond.
Franck Gastambide joue là un rôle un peu sombre, après des performances dans des registres comiques en jouant les losers de quartier décomplexés (Les Kaïras, 2012, ou Pattaya, 2016) : le rôle d’un homme qui cherche sa place, entre envie, passion consciencieuse et résignation. Comme dans ses films précédents (où l’on croisa même un ours), on notera le rôle donné aux animaux de compagnie insolites (gerboise, caméléon) et autres singes, Franck Gastambide nourrissant une vraie passion pour le monde extra-humain. Quoi de plus logique pour un film sur les « Canaris » ?
* NB : Olaff et ses chiens a récemment présenté en avant-première, aux Ateliers du Vent, Ergün l’Errant, BD-concert psychédélique issu d’une BD de science-fiction métaphysique écrite en 1974 par Didier Comès. La première aura lieu le 23 mars 2018 à l’EPI Condorcet à Saint-Jacques-de-la-Lande, dans le cadre de Des prix et des bulles.
** À l’heure où nous écrivons ces lignes, il s’avère que les coupes remportées par le Stade Rennais, en 1965 et 1971 (ce qui ne nous rajeunit pas), sont introuvables. On ne pouvait pas laisser cette information sous silence. L’Imprimerie Nocturne va bien entendu mettre ses meilleurs limiers sur l’affaire.
La surface de réparation – Drame français de Christophe Régin – Avec Franck Gastambide, Alice Isaaz, Hippolyte Girardot et Moussa Mansaly… – Durée : 1h34 – Musique de Para One – Sortie le 17 janvier 2018.
