Empire romain et empire des Han, par Christophe Badel : Hein ? Vous ne connaissez pas les Han ? Cette conférence donnée aux Champs Libres en la splendide salle Hubert Curien éclairera les lanternes.
Les Han sont une grande dynastie chinoise antique, influente en Extrême-Orient, et qui a suivi un développement parallèle à l’empire romain, de - 200 à 600 ap. J-C. Parallèle en tout point ? Non. Petit rappel : La Chine s’est unifiée autour du Fleuve Jaune avec Shi Huangdi (voir portrait ci-contre), multipliant les conquêtes vers le nord et le sud, tandis que l’empire romain durant la même période, les IIe et Ier siècles av. J-C, était aussi en pleine croissance, autour de la Méditerranée. Pendant les règnes de Gaozu et Wudi, l’empire des Han s’étend, vers la Corée, au sud du Yangzi, ainsi qu’au nord de la Grande Muraille. Dans le même temps, Rome conquiert Carthage, la Gaule, l’Espagne et puis s’étend jusqu’à la Manche et jusqu’au Rhin.
Si ces deux empires connaissent des phases d’expansion simultanées, leurs similarités ne sont néanmoins pas totales. Loin de là. En - 87, Wudi cesse les expansions ; les frontières de l’empire chinois se stabilisent. En 110, Rome s’accroît encore avec l’annexion de la Thrace.
En 9, Wang Mang renverse les Han antérieurs. Et au IIe siècle, sous notamment les coups des Qiang (tribu prototibétaine), l’empire des Han postérieurs s’émiette. Alors que de son côté Rome n’est pas en crise, mais à son apogée. Pour preuve, son « dynamisme » la conduit à annexer la Bretagne (la Grande-Bretagne d’aujourd’hui).
F. Teggart (in Rome and China : a study of correlations in historical events, University of California Press, Berkeley, 1939) suppose des liens forts entre les 2 empires, ces États étant en connexion d’après lui via le commerce et les guerres, soit : avec la route de la soie et les mouvements des peuples barbares de la plaine eurasiatique. Cette « solidarité » est discutable. L’empire des Parthes faisait en effet tampon entre Rome et la Chine des Han. Établis sur l’actuelle Iran, les Parthes servaient d’intermédiaires, si bien que si Romains et Chinois échangeaient des biens comme la soie (produit rare dont les Chinois détiendront le monopole tant que les Byzantins n’auront pas percé le secret de sa fabrication), ils ne se côtoyaient pas. À tel point que les Chinois, pour les Romains, étaient de grands roux qui vivaient dans les plaines de l’Est. Cependant, les Chinois avaient connaissance des peuples distincts du leur puisqu’ils découpaient le globe en 9 parties concentrées autour de 9 mers. Notons de plus que s’il existait un commerce épisodique entre les 2 empires, il n’y avait pas entre eux de relations diplomatiques officielles.
Rome et la Chine ont aussi pour point commun d’être 2 empires sédentaires, paysans, densément peuplés, dégageant des surplus agricole et fiscal, et d’être défendus par des armées nombreuses de fantassins cuirassés* (1 M chez les Chinois, 300 000 chez les Romains). Mais tandis que les Han sous-traitent leur défense à des tribus limitrophes, les Romains possèdent une armée citoyenne non barbarisée.
Rome se caractérise aussi par sa gestion décentralisée, autour des cités conquises. Et par une capitale** unique inamovible. Si Rome privilégie une bureaucratie légère (10 000 fonctionnaires) en laissant en place les élites locales, l’empire autoritaire des Han en déploie 120 000, au risque de soulever des révoltes, et changera de capitale au gré des avènements et des choix stratégiques.
Divergences et convergences apparaissent ainsi quand on compare ces 2 empires historiques. Au VIe s., tandis que Rome s’éteindra, envahie par les Perses, les Arabes, etc., l’empire chinois (« la terre sous le ciel »), unifié, lui survivra, avec la dynastie des Tang.
Des échanges passionnants avec un public venu en nombre dynamiser sa matière grise suivent l’exposé de Christophe Badel. Si à Rennes, on s’emmerde parfois royalement, on s’y cultive impérialement.
* On tanne pour ce faire du cuir d’hippopotame…
** Du latin « caput, capitis » : la tête.
Empire romain et empire des Han – La grande convergence ? conférence donnée par Christophe Badel, professeur d’histoire romaine à Rennes II, dans le cadre des Rencontres d’histoire sur le thème des empires du 29 au 31 mai 2015.