Dupain défend depuis 15 ans du côté de Marseille une musique hybride, entre composants traditionnels et envolées actuelles. Un savant mélange à retrouver dans leur nouvel opus, Sorgà.
Sorgà, c’est la source en occitan. La pochette est raccord, et nous renvoie au mythe de Pandore (oui en réalité au départ, Pandore tient une jarre et non une boite, pour déverser sur le monde les maux, dixit les textes grecs les plus anciens). Il s’agit surtout d’un recueil de poèmes trouvé par le chanteur, signé Maxence (Maxence Berheim de Villers, auteur contemporain quasi inconnu). L’inspiration commence. Le travail musical aussi. Le livre qui a inspiré à Samuel Karpenia un « voyage initiatique » trouve en effet sa couleur dès le premier titre du disque; fascinant et envoûtant, « Mille papillons » est une transe sonore qui introduit l’électricité et la rage sourde de « Au còr de mon silenci ». Une tension qui se trouvait dès leur premier album L’usina. Dupain déroule les accords et les gémissements de la vielle à roue (instrument que l’on croise notamment dans le travail de Romain Baudoin d’Artus), une invitation à la contemplation, ou plutôt à l’imaginaire, car le groupe suggère plutôt qu’il ne montre; les compositions se retrouvent comme de fragiles constructions où l’imbrication des sons, l’effleurement des notes ou la répétition de cycles mélodiques ont une alchimie presque mystique; un équilibre qui serait aussi fragile qu’une feuille morte prête à se détacher de la branche. Pour mieux être emportée par le fleuve d’un rock progressif de « Vertige » à la nostalgie vibrante de « Glenwar ».
« A cadun lo temps qu’es lo cieu, Lo temps que fau le temps que basta »*
Le temps, Dupain semble réussir à le figer dans un chant qui reviendrait d’un monde que nous aurions connu et qui aurait disparu. Dupain regarde et interroge, un monde toujours lié à ses racines. Car la source, c’est aussi l’espoir. Face à l’âpreté des accords lourds, l’ornementation de la flûte qui fait bien souvent s’envoler les compositions vers de nouveaux paysages. Dupain tourne, Dupain virevolte, Dupain martèle le sol et la poussière, Dupain berce et frappe. Dupain laisse s’écouler, comme l’eau, la musique.
*À chacun son temps qui est le sien, le temps qu’il faut, le temps qui suffit