Bande de filles de Céline Sciamma

Bande de filles : racket, fast-food et Rihanna. Un film de Céline Sciamma.

Ah ! Elle est belle la jeunesse d’aujourd’hui ! À l’heure où certains envisagent de s’engager chez les Jeunes Populaires, de devenir médecin, trader, ou de militer activement sur les zones à défendre, d’autres en échec scolaire plus ou moins patent et en butte plus ou moins constante aux horizons qui se profilent – glauques à souhait il faut le dire, car passer son CAP pour devenir femme de ménage est loin d’être le rêve que partagent les jeunes filles en fleur – d’autres, donc, volent dans les galeries marchandes, se livrent à de petits trafics répréhensibles et organisent tantôt des battles de hip-hop sur le parvis de la Défense, tantôt des rixes sur les terrains vagues derrière les tours et les barres (combats filmés par les portables puis diffusés sur le Net pour humilier l’adversaire qui aura été terrassé, briser son aura, railler sa suprématie, attenter à sa renommée) dans une sorte de perpétuation des traditions de rivalité entre bandes, comme on le vit dans l’indémodable Guerre des boutons de Louis Pergaud (1912).

 

Idrissa-DIABATE

Ismaël (Idrissa Diabaté) saura-t-il convaincre la belle rebelle Vic (Karidja Touré) de rentrer dans le moule et de l’épouser ?

 Dans Bande de filles, il ne sera question ni d’UMP ni de ZAD. NB : Un film est important aussi par ce qu’il tait, par ce qu’il ne montre pas, par le point de vue choisi – qui occulte donc le reste. Bande de filles reflète un bout de notre époque. Époque qui ne promet ni monts ni merveilles. Quel avenir en effet pour cette bande de filles ? Mère au foyer contrainte et forcée, prostituée, travailleuse précaire ou dealeuse… aucun choix n’est vraiment glamour…. Dans cette chronique, qui se veut réaliste, certains découvriront aussi, étonnés, abasourdis, que la France urbaine d’aujourd’hui est constituée de Noirs. Certes, c’est une évidence quotidienne pour qui vit dans tel ou tel quartier à forte population issue de l’émigration d’Afrique de l’Ouest. Or cette réalité est très souvent niée (les Français Noirs sont sous-représentés dans quasiment tous les domaines – et ce, en dépit de la discrimination positive en faveur des minorités). Ou mal perçue…

Dans un cas comme dans l’autre, cette chronique désenchantée consacrée à des petites nanas un peu paumées en pleine crise d’adolescence (doublée d’une crise familiale, morale, sociale, scolaire, existentielle) qu’unissent néanmoins une solide amitié et des goûts communs pour la transgression, les fêtes et Rihanna, remet des points sur des i. La France blanche est un mythe. La jeunesse française, quelle que soit sa couleur de peau, est loin de toujours avoir des conditions enviables et dorées. Choisir sa voie, quand on grandit dans un environnement vaguement hostile (sexisme, machisme, racisme, urbanisme oppressant et violences quotidiennes se combinant avec la quête identitaire des protagonistes) est une sacrée gageure. Trouver la bonne, de voie, presque un miracle – miracle qui néanmoins se perpétue depuis la nuit des temps d’une génération à la suivante avec plus ou moins de succès et de bonheur.

 

 

Bandes de filles – Drame social de Céline Sciamma – Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Marietou Touré… – Durée : 1h52 – Sortie le 20 octobre 2014.

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