L’Image Publique et son bus magique vous emmènent à la rencontre des photographes

Samedi 11 octobre 2014, L’Image Publique nous faisait voyager dans la métropole de Rennes. Un bus avait été mis à disposition pour l’occasion, emmenant à son bord passionnés de photos et certains des photographes exposants. Les discussions tournaient bon train dans une ambiance décontractée. On y causait avec simplicité de focale, de temps d’exposition, de pratique artistique. Une aubaine pour en apprendre plus sur ces « faiseurs d’images ».

TumovaPoint de départ de ce road-trip, Thorigné-Fouillard. Direction le cinéma « Le Foyer » d’Acigné où nous attendait l‘exposition « La légèreté de l’être » de la photographe tchèque Véronika Tumova. Ce cinéma est coutumier du fait puisqu’il organise régulièrement, en partenariat avec le club de photo « Imag’in Acigné » de nombreuses expositions tout au long de l’année. Ici, c’est une série de douze photos au format carré qui anime les murs rouges du lieu dans une approche esthétisée et sensuelle du corps. Grâce à un jeu délicat sur le flou, ses corps parfois immobiles parfois mouvants se parent d’un voile de mystère que l’imaginaire du spectateur est alors convié à soulever. « Le corps est un outil pour dégager nos humeurs, nos craintes et nos rêves, simplement à travers le mouvement, les postures ou encore les couleurs. C’est la fine frontière entre le corps qui rêve et le corps éveillé, un corps qui n’est plus qu’une simple enveloppe physique. ». Ces fascinantes présences sont renforcées par une approche picturale de la photographie, nous donnant l’illusion de nous trouver devant un tableau. Un univers sensible et chaud donc, aux lectures ouvertes et silencieuses où « quand le corps chuchote ou hurle à notre place, il devient inutile de parler [...]. ».

 

Nous convolons ensuite vers le centre culturel de Cesson-Sévigné. Son hall accueille deux expositions : « L’(e)au-delà » de Benoît Mitrecey et deux séries de six photos chacune, portant le titre d’« Intime » pour Xavier Blondeau.
MitreceyBenoît Mitrecey, avec une série de neuf photos grands formats et une projection vidéo, réinterroge le corps en nous immergeant dans une piscine. Sauf que l’image est inversée. Il devient alors difficile pour le spectateur de parvenir à se repérer dans cet espace. Les troublantes apparitions de ces nageurs (et nageuses) aux corps sans tête et aux postures inhabituelles sont à la fois inattendues et d’une bizarrerie cocasse. On en vient à oublier le milieu aquatique dans lequel ils circulent. L’eau se fait air tant ces corps semblent être en apesanteur. « Dans la plupart des photographies, le corps humain immergé trouve une position d’équilibre qui correspond à sa flottabilité. Lorsque sa densité est supérieure à celle de l’eau, il ne flotte pas, il coule, ici en l’occurrence l’image inversée nous détourne de ce corps lourd, et nous renvoie à la position de l’espace atmosphérique. ».

 

Blondeau

En parallèle, Xavier Blondeau nous propose un travail où le flou est de nouveau à l’honneur. Dans un jeu à deux temps, entre apparition et disparition, les corps funambules et dépouillés d’ »Intime » ne s’encombrent plus des détails. Regards, expressions du visage, etc., tout cela s’efface pour toucher à l’essentiel. « Ces détails ne sont-ils pas finalement le reflet de ce que nous recherchons en nous-mêmes… en l’Autre. Une image d’absolu. Ne devrions-nous pas au contraire effacer de nos sens, ces éléments résiduels qui nous détournent de l’Autre ? Lorsque tout s’efface enfin à nos yeux, il ne reste alors plus que la sensation d’une présence comme une empreinte indéfectible. Chercher à travers une silhouette, la trace de l’essentiel. Là enfin est l’intime de l’Autre. ». L’impression de ces empreintes délicates, de ces corps à la fois présents et absents, sur le papier granuleux de la photo semble les retenir pour encore un instant dans la vie.

 

 

 

Abandonnant ces silhouettes fantomatiques, nous poursuivîmes ce safari photos jusqu’au premier étage de la bibliothèque de l’Université Rennes 2. Là, deux nouvelles expositions : « Crumpled » de Stéphane Hop et « Corps et mains » de Jean-Charles Devigne.

Hop« Crumpled » de Stéphane Hop est né d’un geste. Celui de froisser. Froisser le papier glacé où les beautés cosmétisées s’impriment en si grand nombre. Il ne s’agit pas pour autant de faire un sort à ces femmes si bien apprêtées, tirées aux quatre épingles de l’industrie de la beauté. Non. Mais plutôt de voir ce qu’il en résulte. Froisser, ici, n’est pas détruire. Mais jouer. Jouer à reconstruire des visages de manière aléatoire. Un nouveau visage recomposé dans les pliures d’un papier chiffonné. Une fois mis au monde, il est photographié dans les conditions d’un vrai shooting de mode. Parer de lumière, le visage de papier se sculpte d’ombres, devient objet tridimensionnel et de nouveau s’élève. Ce sont des « apparitions infinies de morphologies inédites, de nouveaux visages inattendus. Sculptures anthropomorphes. Une série de portraits extraordinaires comme dans un rêve. Beauté imprévisible révélée par le geste photographique. ».

Devigne


Jean-Charles Devigne n’est pas que photographe, il est aussi dessinateur. Ses mains sont donc des outils essentiels pour sa pratique. Plus généralement, les mains sont au centre de toutes nos actions, grâce à elles nous faisons (même si Tod Browning nous prouve le contraire dans Freaks…). « Travail, plaisir, création, les mains sont les instruments et le prolongement de notre cerveau. Tellement banales, on les regarde plus, à tort. ». Avec « Corps et Mains », nous les redécouvrons à travers des photographies au noir et blanc soigneusement contrastés, aux compositions équilibrées où l’éclairage latéral épouse le corps nu de ses modèles.

 

 

LouisAvec l’exposition « Les petites mains d’Empreinte », Nathalie Louis éclaire elle aussi de son regard photographique les mains. Celles  des ouvrières de l’entreprise de confection de lingerie brestoise « Empreinte ».  Promenant son appareil-photo dans les ateliers de fabrication, elle tisse leurs portraits en ne se concentrant que sur leurs mains au travail, à la recherche du geste vrai. Un univers de tissu, délicat, précis où la machine côtoie l’Homme. Ce ne fut toutefois pas sans difficulté que Nathalie Louis put les photographier. Celle-ci revint notamment sur cette anecdote révélatrice au sujet d’une styliste refusant de se faire photographier les mains, jugeant qu’elles n’étaient pas belles. L’exposition, située dans la médiathèque de Vezin-le-Coquet, est ponctuée de quelques commentaires laissés par les personnes photographiées comme celui-ci : « Le pouce et l’index… la pince… notre humanité ». Un très bel hommage sur ces petites mains donc, qui « détiennent des savoir-faire et des connaissances qui en font des maillons indispensables à la production. La place qui leur est donnée, la reconnaissance qui est faite ou non de la dimension productive de leur activité est un précieux indicateur des choix et des valeurs des entreprises. ».

 

Retour à Thorigné-Fouillard où se tenait jusqu’au 15 octobre dernier l‘exposition Photofolie. Celle-ci permet aux amateurs ou confirmés d’exposer une série de 3 à 5 photos sur un thème de leur choix.
Ce voyage fut aussi l’occasion de discuter avec le photographe Jacques Yvergniaux, exposant lui aussi pour L’Image Publique une série de portraits intitulée « Le Vieux Capitaine ». Le vieux capitaine, c’est un très vieil homme. Des rides dans les doigts, des rides sur le visage. Pourtant, il n’a pas l’air vieux quand on le voit jouer ainsi avec son corps. Ses yeux un peu blagueurs, vous fixent, là, sans fausse pudeur. Il n’y a pas de quoi être gêné à le voir se dénuder. Jacques Yvergniaux nous montre avec délicatesse ce que c’est que la vieillesse. Ce que c’est que d’avoir le corps d’un vieux. Sans honte. Pourquoi devrait-il y en avoir ? C’est qu’il est beau. Certainement, l’éclairage subtil et doux du photographe, y contribue. Et alors ? Il a su voir. Pourtant, Jacques Yvergniaux fait partie de ceux-là même pour qui il fut difficile, voire impossible, de trouver un lieu acceptant de les exposer. Certains doivent être aveugles…

Yvergniaux

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