Imaginez un monde où la pratique artistique est une maladie. Où il ne reste plus que quelques poètes devant être soignés. C’est le sujet de la dernière bande dessinée de l’illustratrice Mandragore, intitulée Le dernier peintre.

Une case noire, une étincelle, puis de la couleur. C’est à peu près le fil graphique qui va tenir une bonne partie de la bande dessinée Le Dernier peintre : du noir et blanc, et parfois, la couleur, celle de la peinture au bout du pinceau, ou celle du feu. L’histoire c’est celle de Charles Mazok, un peintre qui ne sait faire que ça, incapable de faire « un vrai métier », et se voit alors invité à rejoindre un hôpital psychiatrique. L’histoire finalement, ce n’est pas celle de Charles Mazok mais celle de la pratique artistique au sein de nos sociétés. La fonction de l’art, celui qui fait « émerger l’invisible ».

Au cœur de l’hôpital, Charles rencontre la jeune Noée, avec qui le peintre discute poésie. Au fil des pages, des liens se tissent, et le vernis craque, même celui des soignants. On y croise de belles pages sur Van Gogh, des interrogations sur la folie et la norme, sur la création face à un monde en feu qui ne jure que par la productivité. Dystopie, réalité, les contours se brouillent, et laissent apparaître dans les interstices des lueurs d’espoirs. Une lecture sensible, un remarquable travail d’illustration : après son livre éponyme tiré du roman de H.H. Ewers, Mandragore signe avec Le dernier peintre une réflexion plus personnelle qui mérite le détour, et laisse quelques tâches de peinture à l’âme.