Des mots de colère ou des mots pour s’envoler, des mots des voix et des musiques avec un soupçon de Patami : rapide retour sur la fin 2024 avec la 25e sélection du Jukebox. Bonnes (re)découvertes !
Lo’Jo – Feuilles fauves
Feuilles d’automne, feuilles au vent, celles du groupe Lo’Jo sont ici fauves et feutrées, pour le titre de leur dernier album. Introduit par le sobre « Mandiego », qui énumère ce qu’il reste à dire même s’il n’y a plus rien à dire. Chanté en français, anglais, arabe, créole, espagnol, puisant dans tout son parcours musical, la poésie continue de se balancer sur leurs rythmes chaloupés. Légèrement moins rythmé que d’autres opus, invitant Jupiter Okwess sur « Viens », Feuilles fauves révèle, comme toujours, de belles pépites textuelles où les voix se mêlent au vent.
20 septembre 2024 – 11 titres – Yotanka
Olivier Mellano Melaine Dalibert – After us
Ayant déjà collaboré en 2022 sur le projet Hart’songs autour de Moondog, Olivier Mellano et Melaine Dalibert se retrouvent pour After us au cœur de l’église Saint Vincent de Rennes. L’objectif ? Marier les sonorités de l’orgue avec celles de la guitare électrique. En résulte un disque contemplatif, fait de nappes sonores, qui se déroulent lentement, comme un ciel presque fixe, un horizon qui ne bouge que légèrement avec la lumière. L’écoute devient expérience, introspection, exploration parmi les tuyaux de l’orgue, et une sorte de lévitation qui donnerait parfois presque le vertige des hauteurs. Qui y aura-t-il après nous ?
6 septembre 2024 – 12 titres – Label Signature / Radiophonie – Radio France
Krav Boca – Heretic
Besoin de vous défouler ? Tout vous donne des hauts le cœur ? Un coup de Krav Boca devrait remettre les choses dans le désordre avec leur 7e album, qui marque un nouvel aboutissement sonore, avec un bon équilibre entre musique et voix. Le crew qui fait du punk-rap-core sauce mandoline revient énervé comme jamais. Le tout pour balancer des sons aussi explosifs qu’une GM2L, expulser le « Trauma », booster à fond la caisse l’envoi d’un « Mortier », ou encore uniquement instrumental sur le justement nommé « Brasier ». Tout crame ? Krav Boca a déjà allumé la mèche.
25 octobre 2024 – 14 titres
Bacchantes – Pas un bruit
Après une premier album éponyme paru en 2021, les rennaises de Bacchantes reviennent avec Pas un bruit. Pourtant, il y en a, des bruits, sur ces titres qui mêlent les voix aux notes d’harmonium indien, insufflant une atmosphère singulière, ou de guitare et de claviers. Chez Bacchantes, les quatre voix se font rythme, percussion, à l’unisson ou en contrepoint, frôlant parfois le chant sacré (peut-être pas pour rien qu’on retrouve un « Cantique de la poussière »). Brassant les techniques vocales, les atmosphères de musiques traditionnelles ou avec une sensation électronique (« La chanson du masque »), Bacchantes livre un second opus convaincant et envoûtant.
11 octobre 2024 – 11 titres – Figures libres records
Collectif Astéréotypie – Patami
3e album pour le détonant collectif Astéréotypie intitulé Patami. C’est quoi un patami ? Un mot propre à Stanislas, le patami des enfants, le patami et patata, parce que les textes continuent de proposer leur poésie entre surréalisme, drôlerie et sensibilité. Ici on rit pour autre chose, on convoque des Dieux, on règle ses faux comptes en ligne, on chasses les mots façon archère, on réarrange « Que la biche soit en nous » de Rebekka Warrior toujours sur des compositions noise-rock qui savent se faire le meilleur écrin de cheval pour ces cataclopatamis qui filent à toute allure. En route les patamis !
11 août 2024 – 14 titres
Stav – Contretemps
4 ans après Musique de supermarché, voilà le 1er album de Stav, qui assume son virage pop, avec un chanté-parlé qui colle parfaitement à une (apparente) nonchalance. Un chant assez travaillé, sur une électro-pop tour à tour dansante sur « Dancefloor » ou « Couleur à toi », ou ballade mélancolique avec « Collège », bilan d’une histoire amoureuse qui finit au fond de l’eau. Mais ouf, Stav est là pour ne pas se laisser couler grâce à « Meilleur ami ». Un album qui joue la carte de la franchise, de l’introspection, entre danse désabusée et envol qui en veut. Et ça fait du bien, de s’y laisser aller à contretemps.
Octobre 2024 – 10 titres
François Audrain – Melancholia
Le nouvel et 5e album du chanteur François Audrain part puiser dans la mémoire ouvrière (l’occasion de relire À la ligne de Ponthus, tiens, pourquoi pas). Un album rythmiquement assez lent, aux guitares qui rebondissent sur les accords de clavier avec « Coma », aux fêlures dissonantes du « Début de siècle », à la progression orchestrale du très beau « Ainsi les hommes ». Un rock abrasif face à un monde qui rouille, un monde disparu, faits de machines et d’os, neuf titres créés sur le site des anciens fours à chaux de Lormandière, à Chartres-de-Bretagne. Mémoire passée, mémoire présente, et un Melancholia qui s’y confronte avec justesse et écorchures.
6 septembre 2024 – 9 titres
Jean d’Amérique – Pansement de lumière
« Un poète ivre de naufrages » : Jean d’Amérique fait chavirer les mots avec ce nouvel Ep, un an après Mélancolie gang. Auteur de plusieurs livres, Jean d’Amérique écrit avec le sang versé dans son pays, Haïti, qui lui coule sur les joues, comme des larmes amères jusqu’au bout de sa plume, et largement évoqué avec « Pays ma douleur ». L’auteur, qui cherche un Pansement de lumière, navigue avec quelques lucioles, prend le temps de regarder les reflets dans le miroir, et réussit à renaître de la douleur comme une fleur.
6 décembre 2024 – 6 titres
Fleuves – #3
Fleuves, ou comment atteindre en quelques années un judicieux mélange de musiques traditionnelles bretonnes avec le jazz et l’électro. En résulte un troisième opus qui sait marier musiques à danser aux lumières stroboscopiques comme sur « Lagenn ». Progression hypnotique de « Loud » o « Pil », l’alchimie fonctionne sur les sensations de transe, les nappes échevelées d’arpèges électro (« Oust »), se posant parfois sur des mélodies plus contemplatives et berçantes (« Gwrz »). Des constructions sonores fascinantes, qui finissent par exploser de beauté sur le fin « Atav ». Une réussite dont nous aurions tort de nous priver.
4 octobre 2024 – 11 titres – Airfono
Arnaud Le Gouëfflec – Comme Kafka
Perdu quelque part entre Brigitte Fontaine et Boris Vian, Arnaud Le Gouëfflec réunit autour de lui le guitariste Mocke, la chanteuse Claire Grupallo et le bidouilleur Thomas Poli. Navigant dans les univers littéraires, l’ombre de Kafka plane ici sur des chansons avec une poésie exigeante, et à l’humour pince-sans-rire qui met à distance la détresse des petits drames humains. Un rock dansant comme sur « La balle perdue », ambiance noise avec « Le sous-fifre » ou rythmes dub pour accompagner « La photocopieuse » : les étiquettes valsent, et cette chevauchée musico-textuelle se promène à dos de cafard, pour mieux éloigner le notre.
15 novembre 2024 – L’église de la petite folie