Bien-Être nous tend les bras d’un couple fatigué.
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C’est un gros roman que Bien-Être. L’écrivain aurait pu se contenter d’une critique bien acide de la classe moyenne américaine, des artistes et intellectuels qui s’embourgeoisent. Mais on se serait ennuyés. On en serait ressortis vides, indifférents, tristes, un peu plus cyniques encore. Nathan Hill fait plus ; il embrasse ses personnages : il en prend soin autant qu’il fait la lumière sur leurs histoires personnelles, ne délaissant pas pour autant l’humour. Mais c’est bien d’amour dont il est question : celui d’un compagnon, d’un fils, d’un père, d’une femme, d’une sœur, qui nous porte, nous élève, nous choit. L’amour, profond, déçu, idéalisé, usé, éreinté, peut-être encore vivace.
« Étaient-ils faits l’un pour l’autre ? Étaient-ils même compatibles ? Elle n’en savait rien. Là, tout de suite, elle n’était sûre de rien. Elle n’était pas sûre qu’elle saurait un jour aimer Jack d’un amour aussi splendide et inconditionnel que dont il avait besoin. Elle comprenait qu’il y avait là-haut, dans les hauteurs, un endroit fantastique où l’amour de son mari l’attendait et elle ne savait pas si elle pourrait un jour l’y rejoindre, si son cœur en était capable. Mais ce qu’elle savait, c’est qu’elle l’aimait maintenant. Et qu’elle l’aimerait sans doute aussi demain. Et peut-être que cela suffisait finalement. Peut-être qu’elle n’avait pas besoin de certitudes. Peut-être qu’un cœur humain était simplement compliqué et que tout amour était profondément précaire, que l’avenir resterait irrésolu et que c’était très bien comme ça. Peut-être que c’était ça, le véritable amour : accueillir le chaos comme il vient. (…)Et elle n’était certaine que d’une chose : entre nous et le monde, il y avait un millions d’histoires, et si on ne savait pas lesquelles étaient vraies, alors autant essayer les plus humaines, les plus généreuses, les plus chargées d’amour. »
Bien-Être - Nathan Hill – Éditions Gallimard – Paru le 22 août 2024 – 688 pages.