Les femmes qui lisent sont dangereuses… que dire alors de celles qui écrivent ? En amont du festival Dangereuses lectrices qui se tiendra à l’Antipode les 19 et 20 octobre, nous vous proposons un petit florilège d’ouvrages parus cette année.
■ Du même bois – Marion Fayolle
« La neige recouvre toute la plaine, le ciel, les arbres. C’est le vent du nord, ça soulève la poudreuse, ça tapisse la façade, ça ajoute des murs sur les murs, ça aveugle les fenêtres, ça nappe les toits. Tout est blanc, effacé, disparu ; c’est comme dans la tête du pépé. Ça a perdu la mémoire. On ne retrouve plus le dehors, on se retrouve enfermé là. L’oncle tape sur le baromètre. Rien ne sert de prendre les pelles, de chercher à sortir, ça va encore tomber. Pas d’école. » (p. 61)
On connaît Marion Fayolle dans son travail d’illustration, là voilà désormais à l’écriture avec son premier roman Du même bois. Un rythme lent, qui met du temps à infuser, un rythme parfois saccadé, avec des phrases nominales, qui semblent accompagner des rythmes ; celui de la ruralité, des générations familiales, des failles qui s’y déroulent comme les saisons. Le rythme de la petite, « la seule fille », qui porte en elle son histoire et celles qui l’entourent. Quinze chapitres pour manier autrement le crayon, et tracer ce tableau aux couleurs poétiques et singulières.
128 pages - 4 janvier 2024 – Gallimard
■ Minuscule folle sauvage – Pauline de Tarragon
C’est une bande dessinée, au trait et au récit fragile. Une Minuscule folle sauvage au dessin hypersensible pour évoquer l’anxiété, le trouble borderline, avec un récit réconfortant. Bien loin d’un carnet éparpillé de pensées éparses, Pauline de Tarragon trace avec délicatesse et poésie un livre clé sur la santé mentale, dans la lignée de Julie Delporte.
112 pages – 16 février 2024 – La ville brûle
■ Aliène – Phoebe Hadjimarkos Clarke
« Savoir jusque dans les tréfonds de soi-même, dans les organes, les tissus, les ossements, que ça peut recommencer, que la violence n’est jamais vraiment très loin, que ses attitudes et son regard craintifs ne font parfois qu’exciter la férocité, qu’il n’y a probablement pas d’échappatoire.
Que sentir la faiblesse d’autrui fait naître le désir d’exercer plus absolument la domination que cette faiblesse dessine. Qu’alors écraser devient une issue délicieuse. » (p. 37)
Fauvel (qui a perdu un œil durant le mouvement des Gilets jaunes) accepte de garder une chienne, Hannah (qui s’avère être en réalité un clone) dans une baraque isolée. Cauchemar progressif, ambiances hallucinatoires et/ou oppressantes, c’est un drôle de livre que cet Aliène, sorte d’extra-terrestre-littéraire dont la lecture s’avère tour à tour fascinante ou un brin amère. Dans tous les cas, une expérience de lecture inédite.
288 pages – 5 janvier 2024 – Éditions du sous sol
■ Le chant de la rivière – Wendy Delorme
« Je suis l’eau qui charrie les larmes de Clara. La vapeur du souvenir au carreau de fenêtre lorsque tombe la nuit. Je suis les flocons de neige se posant sur leurs langues tirées haut vers le ciel, dans l’hiver cristallin. Je suis le ruisselet où elles marchaient pieds nus lorsque venait l’été. Je suis l’humidité entre leurs cuisses mêlées et au bout de leurs doigts, je suis le torrent de leurs âmes liquides, et la salive des mots qu’elles chuchotaient tout bas »
C’est un dialogue, ou plutôt plusieurs entremêlés, entre passé et présent, entre une autrice et un paysage, entre une rivière et un couple de jeunes femmes. Avec Le chant de la rivière, Wendy Delorme alterne les récits, entre relation contemporaine et drame passé. Une écriture qui s’affine, avec la montagne en toile de fond, et un petit dossier final qui explique les recherches et échanges qui ont pu construire le livre. À savourer comme la sensation d’une fraîche cascade et d’un doux clapotis.
144 pages – 3 avril 2024 – Cambourakis
■ Traverser les forêts – Caroline Hinault
« Et en effet, tout autour de vous, de jeunes pousses cohabitent avec des arbres centenaires, ça se décompose et ça se régénère concomitamment, minutes et siècles entremêlés, comme si les différentes étapes et strates d’un même processus s’enlaçaient sous vos yeux et que le temps libertin exposait sans complexe l’étirement nu de ses cycles. Les secrets de sa chair. » (p. 68-69)
Après In carna et Solak, l’autrice rennaise Caroline Hinault signe avec Traverser les forêts un vaste roman polyphonique. Une forêt aux confins de la Pologne, trois femmes. Trois récits qui s’articulent autour de la question des frontières, tout en marchant dans les pas de La Divine comédie de Dante. On y suit Véra, journaliste biélorusse exilée, Nina et son fils occupant la maison familiale, et Alma, qui tente de franchir la frontière, cette ligne invisible et pourtant meurtrière. Une écriture rythmée, et une progression qui tient jusqu’au bout. À traverser sans hésiter.
192 pages – 27 mars 2024 – éditions du Rouergue
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