Raplist #28 – Du bon son brut pour ceux et celles qui n’aiment pas la politique mais écoutent du rap engagé

Quand Vanity Fair se demande comment le rap est devenu un acteur du luxe, l’IN s’invite dans le débat en proposant une raplist « enragée ». En pleine période d’élections législatives cruciales pour la démocratie et les droits humains, l’IN veut mettre le poing sur la boîte à rythme avec 577 nuances de seize. Parce qu’on aime « taper dans la fourmilière » comme dirait Aymeric Lompret, c’est avec La Canaille, Médine, Diam’s, Doums, Casey & compagnie qu’on expose un programme musical sous un angle politique.

medine-allonszenfants


« Moi je suis enraciné à ma manière, je vous embrasse avec la langue de Molière
J’ai des origines et j’en suis fier, c’est les mêmes que le fer de la Tour Eiffel
En plus, je retiens jamais lеs dates, ça fait chier quelques candidates
Mais je sais que les allocs de la Caf, ça tombe le lendemain du 4″

Médine


Allons Zenfants – Médine

Parce que « même la statue de la liberté a le statut d’immigré ». Parce que « je me sens légitime à écrire un joli poème depuis que le premier boulanger de France peut s’appeler Mohamed ». Parce que « je me sens légitime à écrire un joli poème depuis que le plat préféré de France, c’est le couscous du Maghreb ». Parce que « je viens aussi d’Afrique du Nord, comme Claude François ». Parce que « la musique est mondiale, mais le texte est français ». Parce que « jai le cœur étranger, en forme hexagonale ». Parce que « Médine France », « Enfants forts », « Proses élites » ou « Voltaire ». Parce qu’il y a pas grand-chose à rajouter à part : « Allons zenfants, c’est quoi les bails ? »

 

 

 


« Le soleil frappe, cogne, intraitable
Le silence est de marbre sous l’arbre à palabres
Les jambes faiblissent, la gorge est sèche, ne pas penser
Ne pas fléchir, les yeux dans l’dos, continuer d’avancer
La faim et la soif font leur travail de fossoyeuses
Chaque pas est une victoire, un pied d’nez à la faucheuse
Ni passeport, ni visa, ni carte d’identité
Le regard est hagard, perdu dans l’immensité »

La Canaille


La Sueur Des Ombres – La Canaille

Et si c’était l’empathie et non la beauté qui sauvera ce monde ? En parodiant Dostoïevski dans L’idiot, La Canaille interroge notre rapport aux autres dans ce monde fermé et enclavé. « Canaille », un terme peu racoleur mais sciemment utilisé pour définir « un ensemble de gens méprisables » car pas comme tout le monde. L’idée ferait sens pour celui qui n’emprunte pas la même route que les autres comme Georges Brassens. Révélation du Printemps de Bourges 2007, Marc Nemmour, rappeur de La Canaille, n’est pas à son premier coup d’essai. Après « Jamais Nationale », qui est totalement d’actualité et à écouter d’urgence, le rappeur de Montreuil réitère dans un style qu’il affectionne avec l’objectif de faire comprendre pour mieux faire entendre. « La sueur des ombres », ou le périple de personnes cherchant à fuir et à se sauver pour (mieux) exister, comme n’importe quel être humain présent sur terre, nous interroge sur notre condition dans un pays où l’on peut être et avoir, quand d’autres n’ont pas cette chance. À la manière d’un Attack Of Titans ou d’un Midgar dans FF7, les murs ou « la muraille du Nord » sont finalement des piliers peu solides tendant toujours à s’effondrer sous le poids de l’histoire et du tragique. Une sorte d’allégorie de la caverne qui se déroule sur les eaux et sous un ciel cruel.  Bref, « c’est la Canaille hé bien j’en suis » !


« Le gouvernement veut qu’je me serre la ceinture
Bénévole 400 ans, je leur dis : “Non merci”
La débrouille est un jeu et moi je voulais jouer
Je n’entre pas dans un jeu pour échouer »

Alpha Wann


Jeunes Retraités - Doums & Alpha Wann

Parce qu’en terme de mesure phare, Doums & Alpha Wann en ont plus d’une dans la besace ! Quitte à dépasser la mesure du PS à l’époque de Lionel Jospin et Martine Aubry avec la réduction du temps de travail à 35 h, pour ici réclamer une retraite à 35 ans, ce qui est uniquement le cas aujourd’hui pour les sportifs de haut-niveau. Encore une idée farfelue de la génération X, Z ou Y ? Certains réduiront la jeunesse à la fainéantise, quand ce serait plutôt un pied de nez (ou un high kick) contre l’exploitation patronale et les bas salaires. Bref, avec « Jeunes retraités », c’est le moment de revendiquer telle une chanson de Kery. En outre, Alpha Wann n’hésite pas à dénoncer les dérives de ce système : violences policières avec le meurtre d’Adama en exemple, le racisme systémique, l’élitisme et l’entre-soi tout en rendant hommage à l’art de rue, aux cracheurs de feu et aux « valeurs de l’ancien temps ». À l’heure où plusieurs candidats RN twittent leurs haines en roue libre, le duo, en adoptant un ton un brin provocateur (c’est aussi ça le jeu du rap) réclame une justice sociale après 400 ans de bénévolat et d’esclavage. Si déjà on gagne une année et des cours d’empathie, ce serait pas mal !

 


« Quand on se tue à la tâche, pour rien dans la récolte
Normal que les vents portent la révolte
Que la terre où l’on marche est labourée par des molaires
Comprenez-vous au moins les raisons de la colère ? »

Akhénaton & Shurik’n


Les Raisons De La Colère - IAM

Parce que Laurent Gerra n’avait pas tout compris en se moquant du refrain métaphorique de ce morceau. Parce que depuis sa sortie en 2013, rien n’a changé ou presque puisque c’est pire. Le côté obscur de la force a même pris du galon : casse du service public, urgences qui ferment, déserts médicaux, réduction des effectifs que ce soit dans les écoles, la police, la santé, répression des LGBTQUIA+, des couleurs ou des arc-en-ciel, des écologistes, des manifestants, etc. Bref, vous l’avez compris, IAM dépeint le réel pour mieux voir que « c’est toujours la merde derrière la dernière couche de peinture ».  Alors c’est à coup de basses fréquences, de breakdance et de scratchs que les valeurs de l’ancien temps chers à Doums & Alpha Wann prennent tous leurs sens. Un passage de témoin utile avant les J.O 2024 là où « peace, fun and having fun sont devenus bitch, drugs and heavy guns ». Parce que c’est aussi important de se rendre compte de la situation en Outre-Mer quand le tandem fait référence dans le refrain à Madagascar et Haïti. Bref, bouge ta tête mais pas que !


« Finis les costards à la Marlon Brando
La démarche calquée sur De Niro de l’Actor Studio
Heureusement que la santé fleurit à Fresnes
Il rêve de politique pour être un gangster moderne »

MC Solaar


Gangster Moderne - MC Solaar

Parce que MC Solaar est peut-être le premier à dénoncer l’assistanat d’État. En effet, c’est dans un style sobre, en référence à la trilogie du Parrain de Scorsese, que Claude MC s’exprime en tant que « convoyeur de fond et de formes ». Des messages à peine subliminaux pour dénoncer les cols blancs, les « politricards » ou plus majoritairement les fraudeurs fiscaux. Alors quand l’idiot pointe du doigt le pauvre quand il touche le RSA, n’hésitez pas à répondre qu’il y a quelques zéros de différence avec des dividendes versés aux actionnaires qui n’ont pas cessé d’augmenter depuis une cinquantaine d’années quand les salaires de l’ouvrier ont à peine augmenté, ou qu’il y a 3 zéros de différences (comme un France-Brésil, oui oui) en comparant les fraudes à la CAF. Bref, Gangster Moderne, c’est aussi une manière de remettre à leur place les donneurs de leçons quand ils s’agitent dans tous les sens pour punir (coucou Michel Foucault) ou taper du doigt les parents ayant un enfant qui a fait des conneries. Mais ce ne sont que des exemples tirés au hasard, évidemment ! 


« The ballot or the bullet, some freedom or some bullshit
Will we ever do it big, or just keep settlin’ for li’l shit?
We brag on having bread, but none of us are bakers
We all talk having greens, but none of us own acres »

-

« Le bulletin ou la balle, un peu de liberté ou des conneries
Est-ce qu’on va un jour faire les choses en grand, ou continuer à se contenter de petites merdes ?
Nous nous vantons d’avoir du pain, mais aucun d’entre nous n’est boulanger
Nous parlons tous d’avoir du vert, mais aucun de nous ne possède d’hectare »
Killer Mike

Reagan - Killer Mike

Parce que le documentaire « Fight the power » est disponible actuellement sur le site d’ARTE. Parce que Killer Mike, activiste politique et rappeur de Run The Jewels avec EL-P, est affiché dès la première minute et c’est loin d’être un hasard. Parce que Trump est jugé coupable et ça fait du bien de le dire. Coupable ! Coupable ! Coupable ! Parce que l’extrême a toujours commencé par quelqu’un qui n’en prenait pas l’apparence mais en portait bien le nom. Parce que pour rappel, il y a quand même une petite différence entre ceux qui veulent donner plus de chances, d’équité et de droits, et ceux qui veulent plutôt en retirer ou en démunir. Parce qu’il a commencé sur un album d’Outkast, groupe qui a dénoncé la politique américaine à l’étranger et notamment la guerre en Irak. Parce que se faire arrêter puis être remis en liberté après avoir emporté 3 grammy awards en 2024, c’est une toute petite anecdote comparée aux dégâts de l’ère Reagan et de ce qui a suivi après son règne. Son dernier album primé Michael est « un hommage rendu à toutes les femmes qui [l]‘ont guidé sur ce projet ». Bref, les causes et les conséquences résumées en un seul morceau !

 


« Un métisse ne symbolise la paix qu’après sa venue au monde
Heureusement que l’amour se moque de la honte

Attendre tes 8 piges pour entendre des gens demander
  À ton teint qui sème la confusion, “dans quel camp t’es ?” »

Oxmo Puccino


Qui peut le nier - Oxmo Puccino

Parce que ce gros morceau représente peut-être le mieux l’actualité d’aujourd’hui. Diviser pour mieux régner disait Machiavel. Oui, mais on peut choisir un camp sans l’approuver à 1000 % dirait l’IN. C’est tout l’enjeu des élections à venir et Oxmo Puccino avait mis déjà le doigt ou son majeur sur un problème posé en continu depuis des siècles. « Qui peut le nier » est d’abord issu de l’histoire personnelle du rappeur du 18ᵉ arrondissement de Paris, mais c’est un vécu qui interroge les autres. Une opposition entre les illusions d’un bonheur égocentré relié à la thune, la possession, l’avoir qui entraine l’échec scolaire, les désillusions ou des conflits pour un terrain de foot. Des conflits entre différents camps qui se regardent le nombril. C’est aussi le danger qui nous guette quand il suffit parfois d’un rien pour être heureux. Bref, Oxmo était à deux doigts de tirer à blanc avec son arme de paix. Il le fera quelques années plus tard, mais la menace est toujours présente. Qui peut le nier ? Alors choisis ton camps et ne te trompe pas !


« Non, c’est pas ma France à moi, cette France profonde
Alors peut-être qu’on dérange mais nos valeurs vaincront
Et si on est des citoyens, alors aux armes la jeunesse
Ma France à moi leur tiendra tête, jusqu’à ce qu’ils nous respectent »

Diam’s


Ma France à moi - Diam’s
Parce que comme Diam’s, beaucoup ont aussi chanté la France pour dénoncer ses dérives en s’engageant ouvertement via la musique. À l’instar de groupe de rap comme IAM avec « Demain c’est loin », « Manifeste », « La fin de leur monde » ou « Nés sous la même étoile », comme NTM avec « Le monde de demain » ou « Qu’est-ce qu’on attend ».  Comme Seth Gueko avec « Morts sous la même étoile« , Pumpkin & Vin’s Da Cuero avec « Persona non gratis » ou Manau avec « L’avenir est un long passé ».  Comme Nepal avec « Babylone », Nekfeu sur « 22″ avec le S-Crew, comme Keny Arkana avec « La Rage », « On les emmerde » ou « Violence masquée ». Comme Rocé avec « Chante la France », comme Hugo TSR avec « Point de départ« , « Un monde pas net », Sofiane sur « Marion Maréchal » et « Sur le drapeau » ou comme Kery James avec « Lettre à la République » ou « Marianne« . Comme Sniper avec « Brûle », « Niquer le système » ou « La France », comme Sefyu avec « En noir et blanc« , comme Mr. R avec « J’accuse ». Comme les Saïan Supa Crew avec « La preuve par 3″, comme Ärsenik avec « Une saison blanche et sèche », comme La Rumeur avec « Tout brûle déjà » ou « La meilleure des polices ». Comme MC Solaar avec « RMI » ou « Nouveau western », comme Orelsan avec « L’odeur de l’essence », « Suicide social ». Comme Lucio Bukowski & Anton Serra sur  » Deuxmilletreize », comme Ali et Booba avec « L’effort de paix », « Civilisé » ou « Pitbull », comme Odezenne sur « Novembre », Brav avec « Sous France ». Comme l’association de plusieurs artistes pour sortir « 11’30 contres les lois racistes » et « Hip Hop citoyens ». Comme 3ᵉ Œil avec « Bienvenue à Babylone », Disiz La Peste avec « Enfants des rues » ou avec la série des « Démocratie fasciste » de Rockin’ Squat. Comme Youssoupha avec « À force de le dire », « Noir D**** » ou « L’enfer c’est les autres ». Comme Georgio avec « Appel à la révolte » ou « Les anges déchus, les gens déçus », comme Souffrance sur « Métro » ou « Simba ». Comme Lino avec « Fautes de Français » et « Musique nègre », Furax Barbarossa avec « Demain c’est là » ou Psykick Lyrikah avec « Un poing dans la foule ». Comme Nessbeal avec « Réalité française », Ancrages avec « Même son ombre« , « Les morts n’ont pas tous la même peau » ou Sept & Lartizan avec « Diogène ». Comme Tandem avec « Les maux » , Fik’s Niavo, JP Manova avec « Stockholm » ou Sameer Ahmad dans « Nouveau Sinatra » . On en oublie encore des tonnes tellement il y en a. Le rap a vécu et vivra encore des morceaux forts pour résister contre la menace et la répression. Alors quoi de mieux que de conclure avec le clip « hyperpercutant » de « Ma France à moi » de Diam’s pour se motiver à aller voter le 30 juin et 7 juillet prochain ?

 

 



Vous pouvez retrouver tous les morceaux de la Raplist #28 – Du bon son brut pour celles et ceux qui n’aiment pas la politique mais écoutent du rap engagé sur Spotify



 

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