L’année de grâce, de Kim Liggett : une espèce de conte dystopique (dans un monde rustique où l’on imagine que des associations équivalentes au Planning familial ou à la Ligue des droits de l’Homme, dissoutes par quelque vague d’obscurantisme, auraient perdu tout crédit), qui rappelle que plus le monde est cruel, plus il y a intérêt à savoir maîtriser sa chance et à être outillé·e pour la survie.
C’est un encart signé Pénélope Bagieu (dessinatrice fameuse de Culottées I & II, de La page blanche ou de California Dreamin’, qui s’est d’abord fait connaître sur les réseaux sociaux à la fin des années 2000) qui a attiré et retenu mon attention – merci m’dame Bagieu ! – sur cet ouvrage étalé parmi tous les coups de cœur proposés à L’Établi des mots, petite librairie du Blosne, dans le Sud-Est de Rennes.
L’année de grâce, de Kim Liggett, est terrible. Les jeunes filles d’une communauté pétrie de superstitions, avant de devenir mères et épouses dans le cadre d’unions convenues par la hiérarchie villageoise (si tant est qu’elles survivent à l’épreuve extrême qui leur est imposée qui dure une année), sont acheminées dans un camp clos, dans les profondeurs d’une forêt arpentée par des chasseurs chargés de s’assurer que personne ne s’évade. Tierney, l’héroïne, retrace cette année de grâce constellée de dangers à surmonter : L’absence de coopération entre les jeunes filles ; l’eau empoisonnée (à l’œnanthe) du seul puits du camp ; les rancunes ; la faim ; l’emprise un brin toxique de Kiersten sur ses comparses ; la folie qui guette ; les braconniers qui rôdent ; l’hiver en embuscade…
En permanente empathie avec Tierney, on tremble et grelotte avec elle, on subit les coups du sort, on cicatrise, on se désespère, on ruse, on entrevoit des alliances, on persévère, on exploite les minces ressources disponibles, on cherche des issues favorables… Et on sort de cette lecture, particulièrement prenante, galvanisé·e.
À lire donc quand on a besoin de reprendre des forces, sans dépenser trop de calories, durant les longues soirées d’hiver par exemple.
L’année de grâce, de Kim Liggett, traduit de l’américain par Nathalie Peronny, éditions Gallimard Jeunesse, 2022, coll « Pôlefiction », 480 p., 8,70 €.