Les héroïques (de l’existence)

Les héroïques fait partie de ces films qui marquent. Et qui parlent des personnes qui sont marquées ; doivent-elles nécessairement le porter à vie ? Un film servi avec une justesse et une sensibilité trop rares au cinéma.

 

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Dans la prolongation de son court métrage Beautiful loser sorti en 2018, Maxime Roy signait en 2021 sa version longue, Les héroïques. Au centre du film, Michel interprété par François Créton. Tout démarre par une séance au sein des alcooliques anonymes : Michel ne veut pas craquer, Michel en a marre, Michel trouve que c’est dur, Michel veut assumer ses conneries, mais fait iech quand même la vie. Histoire de garnir la bouteille bien remplie, Michel est également en sevrage après 40 ans de toxicomanie. Alors il s’accroche, pour pouvoir continuer à voir son fils, le dernier né, dont la mère (Clotilde Courau) a quitté Michel. Alors, surtout, avancer, ne pas craquer.

Rapidement, les fissures apparaissent : la difficulté à trouver un travail malgré son goût pour la mécanique mais l’absence de diplôme et un CV « niveau bac » mais y a toujours pas le diplôme, l’appartement pourri qui ressemble à une cave et qui finit pas prendre l’eau, les relations parfois compliqués avec son premier fils de 18 ans, Léo. Le corps, abîmé, qui doit « réapprendre à vivre sans drogues ». Les nuits, trop courtes, et les heures, trop longues. Comme une impossibilité face à la solitude de rester abstinent, et un besoin de consolation qui paraît sans remède. Compter les minutes. Mais avancer. Ne pas craquer.

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Michel, et ses deux fils à gauche, venant de se faire griller suite à un trajet à moto dangereux sur la chaussée glissante

Ce qui revient, régulièrement, c’est le rapport aux autres, ces autres qui entourent Michel, le secouant ou le soutenant. Faire des déclarations shakespeariennes à celle qui vient de le quitter. Bercer le nouveau né comme pour s’adoucir lui- même. Se retrouver entouré par celles et ceux, qui comme lui, cherchent à briser le cercle de l’addiction, de la honte, de la solitude. Se retrouver emmêlé dans les liens avec son père, malade, joué par un Richard Bohringer aussi dur que touchant. Michel s’accroche, tente aussi de faire raccrocher les autres, comme cette jeune femme qui pense qu’elle n’arrivera pas à arrêter de boire. Avancer. Ne pas craquer.

Celle qui revient régulièrement aussi, c’est la moto, de celles que Michel aime bricoler, pour se déplacer, mais aussi rouler dans la nuit. Traverser la ville, qui sert de décor, mais qui révèle surtout les territoires que l’on regarde peu ou mal, les friches, les abords des gares, les trottoirs dégueulasses, les banlieues ouvrières à l’abandon. Alors on y passe, on traverse ces espaces. Avancer. Ne pas craquer.

« Si j’ai un problème et que je bois, j’ai deux problèmes »

 

L’addiction, qui se trouve au cœur du film, est traitée sans emballages superficiels, sans romance, sans fard, comme si l’écran s’effaçait pour nous afficher une réalité brute. L’interprétation de tous les acteurs d’une justesse incroyable y est pour beaucoup ; mais surtout celle de François Créton, dont l’histoire de Michel s’inspire. Du lien intime qu’il a également noué auparavant avec le réalisateur. Avec beaucoup de plans rapprochés, comme pour nous faire aller au plus proche des émotions des héros, ces « héroïques » luttant avec eux-mêmes pour s’en sortir, Maxime Roy signe ici un premier film à fleur de peau(x), beaucoup plus social que larmoyant. Un film qui nous parle des marques des autres, sans jugement, et avec une humanité sensible. Un grand film.


Les Héroïques – Un film de Maxime Roy – Avec François Créton, Roméo Créton, Richard Bohringer, Ariane Ascaride – Sorti le 21 octobre 2021 – Durée 1 h 35.

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